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Domaine étranger Les destins fabuleux

février 2005 | Le Matricule des Anges n°60 | par Thierry Guichard

L’imagination sans frontières d’Éric McCormack est un bain de jouvence pour l’amateur de romanesque. Une fois de plus, l’Écossais nous fait douter de la réalité, des rêves et de ce que nous sommes.

Tout commence par l’emménagement du narrateur, romancier de profession, dans une grande bâtisse séparée en deux habitations symétriques, à « Camberloo » censée se trouver au Canada. Le voisin de notre narrateur s’avère être un fin lettré, universitaire à la retraite, spécialiste de la littérature de la Renaissance. Ils ne resteront pas voisins longtemps, puisque le vieil homme, Thomas, va vite se retrouver sur son dernier lit d’hôpital. Convié à lui rendre visite, notre écrivain va se faire raconter une histoire, ou plutôt des histoires, vraiment extraordinaires, « exotiques ». Des vies fabuleuses dans lesquelles il n’aura qu’à puiser pour trouver la matière de mille romans.
Thomas est donc l’enfant de Rachel fille d’un juge sévère qui eut à traiter le cas d’un serial killer. À l’occasion de son procès, Rowland Vanderlinden, un jeune ethnologue, doit donner son avis sur le comportement du serial killer. Il rencontre le père de Rachel, croise la fille du juge, n’est pas apprécié de l’un, l’est beaucoup plus de l’autre. Ils se retrouveront, se marieront. Mais Rowland n’est pas du genre à fumer la pipe en regardant pousser les tulipes. Le monde l’appelle, l’exploration, les tribus africaines et les peuples de l’Inde. Avant qu’il ne parte pour une nouvelle mission, Rachel prévient son époux, qu’à son retour, il faudra prendre une décision sur l’avenir du ménage. Quelques mois plus tard, un télégramme la prévient du retour de son époux, les trois coups de sonnettes signalent qu’il vient d’arriver, Rachel ouvre la porte et l’homme qui se tient sur le seuil n’est pas Rowland… Pourtant, l’inconnu se présente à elle en lui disant : « Je suis votre mari. » Voilà qui est troublant. Mais plus encore ce que fait Rachel : après une très courte hésitation, elle accepte de recevoir l’homme. Plus que ça : elle accepte qu’il soit son mari. Ils vont vivre deux ans de bonheur ensemble, avoir un enfant, notre Thomas. Deux ans durant lesquels Rachel refusera que l’homme qui partage sa vie lui dise quoi que ce soit de son passé, ni son nom, ni son prénom : rien. La guerre des tranchées fait rage en France et on recrute au Canada. Le faux Rowland s’enrôle, il y perdra la vie et Rachel y trouvera un chagrin insurmontable.
Arrivé là après pas mal de détours aussi savoureux qu’intelligents, le lecteur sait une chose et en ignore au moins une autre. Ce qu’il sait : Éric McCormack est un fabuleux conteur, qui ne s’embarrasse pas d’atermoiements pour nous plonger illico presto dans des fictions inouïes. Ce qu’il ignore : c’est qu’il n’est vraiment pas au bout de ses surprises.
Car, arrivée au seuil de la mort, Rachel va confier à son fils Thomas le soin de retrouver le vrai Rowland. Elle pense, elle sait, que son mari connaissait l’identité de celui qui l’a remplacé et qui n’a jamais rompu le silence qu’elle avait imposé. Cap est mis sur Vatua, une île du Pacifique infestée de moustiques et autres insectes à dards où Rowland vit au sein d’une des tribus les plus inaccessibles de la planète. Entre le voyage en bateau à la Conrad, le foisonnement exotique (plantes, animaux, tribus, odeurs, et vers de Guinée), les allusions littéraires (l’auteur cite les titres déformés de ces précédents romans, « véritables tissus d’inepties »), les aventures extraordinaires (imaginez un bateau transportant des animaux sauvages d’Afrique touché par une malédiction, voguant dans les mers du Nord sur une eau en train, littéralement, de bouillir !), les légendes, coutumes et rêves prémonitoires, le roman mène une course folle vers la révélation ultime. La narration de Thomas, sur son lit de mort, est entrecoupée de réflexions puisées à la source des anciens. Le roman prend ici une profondeur ludique et moraliste à la fois : l’amour y est évoqué sous différentes facettes, la vie devient la quête « d’un ordre si complexe qu’on ne parvient pas à mettre le doigt dessus. Si jamais on réussissait à découvrir cet ordre, peut-être pourrait-on vivre n’importe où. »
Éric McCormack, sous prétexte de citer d’obscurs penseurs du XVIe siècle avance des hypothèses qui sont peut-être les siennes ou simplement de nouvelles galeries dans son roman. On retiendra celle-ci qui résume assez bien l’atmosphère de cet écrivain auquel on doit entre autres Mysterium ou l’inénarrable Première Sonnerie de trompette contre le monstrueux régiment des femmes : « les mystères sont parfois préférables à la connaissance. » Et enfin, comme conclusion aux destins ici évoqués, cette sentence attribuée à Cyrius l’Arpenteur : « Tout ce qu’aime l’homme sage, il s’en éloigne. » On préférera la folie et se laisser subjuguer par l’univers d’un des plus inventifs de nos romanciers. Ça vaut le voyage.

L’Épouse hollandaise, de Éric McCormack
Traduit de l’anglais par Sabine Porte
Christian Bourgois éditeur, 331 pages, 23

Les destins fabuleux Par Thierry Guichard
Le Matricule des Anges n°60 , février 2005.