La lettre de diffusion

Votre panier

Le panier est vide.

Nous contacter

Le Matricule des Anges
ZA Loup à Loup 83570 Cotignac
tel ‭04 94 80 99 64‬
lmda@lmda.net

Connectez-vous avec les anges

Vous n'êtes actuellement pas identifié. Pour pouvoir commander un numéro, un abonnement ou bien profiter, en tant qu'abonné, des archives en ligne, vous devez vous connecter avec votre compte.

Retrouver un compte

Vous avez un compte mais vous ne souvenez plus du mot de passe ? Vous êtes abonné-e mais vous vous connectez pour la première fois ? Vous avez déjà créé un compte, peut-être, vous ne savez plus trop ?

Créer un nouveau compte

Vous inscrire sur ce site Identifiants personnels

Indiquez ici votre nom et votre adresse email. Votre identifiant personnel vous parviendra rapidement, par courrier électronique.

Informations personnelles

Pas encore de compte?
Soyez un ange, abonnez-vous!

Vous ne savez pas comment vous connecter?

Théâtre Malade de la langue

mars 2005 | Le Matricule des Anges n°61 | par Laurence Cazaux

Dans une langue magnifique, Roland Fichet évoque avec « Animal » la destruction massive du règne animal et végétal, et donc la destruction de l’homme.

Né en 1949 dans le Morbihan, Roland Fichet crée à Saint-Brieuc en 1978 le théâtre de la Folle Pensée, qu’il co-dirige avec Annie Lucas, metteur en scène. La compagnie monte exclusivement des textes de théâtre contemporain. Il nous est raconté, dans une rapide présentation de l’auteur, qu’au Cameroun, le 31 mai 2003, il a été honoré du titre de Te Wafeu Tchombaguin par le Roi de Baham, Pouokam Marx II. Cela confirme que Roland Fichet est définitivement ailleurs. Rien d’étonnant donc qu’il nous offre avec Animal, un objet littéraire inclassable, écrit sur une longue période (plus de deux ans). L’écrivain a pour habitude de travailler une langue singulière. Avec Animal, il invente une langue sur le fil du rasoir, pour aiguiser nos sens et nous mettre en alerte. Une partition et une matière orale d’une richesse et d’une variété qui procurent du plaisir à l’état brut.
La pièce débute par un chœur. Il donne une part du récit, dans une langue plutôt classique. Pour l’écrivain : « Aujourd’hui des voix se relaient en permanence pour orienter notre attention, notre corps, notre conscience. Elles émanent de partout. Parfois proches de notre oreille, elles vont jusqu’à nous donner l’impression de sortir de nous-mêmes. Parfois lointaines, déterritorialisées, on ne parvient pas à repérer leur source, à les identifier. On ne sait pas qui parle. D’où la sensation de se mouvoir dans une chambre d’échos. Dans Animal, le chœur joue ce rôle de chambre d’échos ». Par opposition, les personnages évoluent dans une langue inachevée, heurtée, aux phrases courtes, comme si la parole n’arrivait plus à se dire. Voici la première réplique de Kalonec : « Approche toi. viens nègre pâle. sors de ta tanière. mesure-toi puisque. mesure-toi au Vieux puisque t’es. si malin t’es. viens te. mesurer. la fin sacré malin de jeu de cache-cache. une sortie de prince pour toi hé hé. viens face. face à Kalonec. que je te. Kalonec te défie Willi. tu entends ? la belle vie. pour Willi si tu veux. Le Vieux revient de. pour ta voix Willi. Paris ». La langue évolue tout au long de la pièce jusqu’à se désarticuler. Un court instant, sous l’emprise de Chienne, qui comme le Cerbère, revient de chez les morts, les personnages s’expriment autrement « d’habitude je ne suis pas comme ça/ d’habitude ce n’est pas ma couleur/ d’habitude je ne parle pas comme ça/ je suis délivrée de ma blancheur/ merci Chienne » dit Iche qui, à la fin du texte, ânonne péniblement : « idi titi idi titi ote ote. idiiiiiote Iche. Vie. errrrge. ge. je. hihu ouche. » Ce parcours de la langue accompagne l’agonie des personnages et donne une énergie et une vitalité très forte à cette histoire.
La pièce se déroule en quatre mouvements, sur deux jours et deux nuits. Elle nous conduit de la concession Kalonec, en plein cœur d’une forêt africaine, à l’aéroport Charles-de-Gaulle. Au tout début de la pièce, Kalonec revient chez lui, il vient d’être opéré, il est mal en point. Il veut amener Willi, le fils noir albinos, à Paris pour en faire une star de la chanson. Mais Willi est parti. Du coup, les femmes, la noire Fricaine, la blanche Iche et le fils au pied bot Nil, détruisent tout, tuent toutes les bêtes pour édifier un mur immense, absurde dans cette forêt. « Willi parti Fricaine folle vide casse jette meubles vaches animaux lapins chevaux. détruit tout. pile tout. mélange résine sang et concasserie. fabrique des briques des briques des briques à tour de bras. parti Willi Fricaine folle.folle folle. » La folie va tous les conduire à la mort, à Paris. Dans le même temps, la forêt est détruite par des dizaines de bûcherons qui sont là pour l’exploiter. Seul moment de répit, le chant de Willi, que l’on entraperçoit un court instant, suspendu dans un hamac à vingt mètres du sol. Il chante, les tronçonneuses s’arrêtent une heure, avant de poursuivre leur œuvre de destruction pour le simple profit du capital. La beauté disparaît. Le monde animal et végétal est détruit, la planète se meurt. Roland Fichet, avec une fable qui puise dans la mythologie, nous pose avec une énergie rare, la question du dernier chant du monde.

Animal
Roland Fichet
Éditions Théâtrales
62 pages, 12

Malade de la langue Par Laurence Cazaux
Le Matricule des Anges n°61 , mars 2005.
LMDA PDF n°61
4,00