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Égarés, oubliés Fernand Scribator

mars 2005 | Le Matricule des Anges n°61 | par Éric Dussert

Rétif et opiniâtre, Fernand Combet (1936-2003) eut une carrière littéraire des plus singulières : quatre livres en vingt ans, dont un curieux chef-d’œuvre.

N’y allons pas par quatre chemins : Fernand Combet n’était pas fait pour frayer sur les voies royales du succès. Il était fait pour écrire. Né à La Croix-Rousse, colline lyonnaise réputée pour ses fortes têtes, et le 1er avril 1936 (date sans pareille !), il aura d’abord été un gamin turbulent. Fils du propriétaire d’une petite usine de teinturerie, il fait les uns après les autres tous les collèges de la place, mais finit, on ne sait comment, par entrer à Sciences po (section diplomatie). Là, il se montre brillant mais ce qu’il veut c’est écrire. Conséquent, il quitte la carrière, s’inscrit aux Langues-O et pige dans la presse. À Bien vivre, par exemple, où il tient la chronique gastronomique avec une belle érudition. C’est en effet un grand absorbeur de culture. Il dévore tout : la littérature, la musique, la sculpture, la vie… Il a, en outre, la chance d’être installé rue Saint-Séverin, près de la fontaine Saint-Michel, au-dessus de la boutique de Marcel Béalu. Sa préoccupation ne change pas : écrire. Et il écrit bien. Lorsque paraît en 1966 son premier livre, SchrummSchrumm ou l’excursion dominicale aux sables mouvants chez Pauvert, c’est un coup de tonnerre : la presse, emballée, lui tresse des lauriers larges comme des feuilles de bananiers : toutes les grandes signatures de l’époque louent les vertus de son roman estomaquant : Mathieu Galey, Luc Estang, Philippe Sénart (Combat), Anne Villelaur (Lettres françaises), jusqu’à Guy Le Clec’h (Figaro littéraire), qui, fou d’enthousiasme, place d’emblée l’opus « Entre Kafka et Chrétien de Troyes ». C’est dire.
Livre systématique d’une folie apparemment ordinaire, et même administrative, livre d’oppression et de mort, livre fantastique, concentrationnaire, totalitaire, il est de ces chefs-d’œuvre qui surprennent toujours, malgré les années. On ne dirait pas ça de beaucoup. Et il y a fort à parier que sa prochaine réédition par les éditions Verticales lui vaudra non plus un succès d’estime mais la reconnaissance durable qui toujours manqua à son auteur. Car à force de refuser les petites compromissions, par dignité, et de frayer avec les affreux ou les snobs, par sens des priorités, Fernand Combet s’est toujours consciencieusement fauché l’herbe sous les pieds. Dorénavant, les lecteurs de Kafka, Poe, Lovecraft, Flann O’Brien, Borges ou Philip K. Dick sauront qu’il existe hic et nunc un auteur fameux à découvrir.
Jean-Jacques Pauvert lui-même a confessé dans ses mémoires que SchrummSchrumm… est le meilleur livre de feu son catalogue, et celui dont il est le plus fier. Quoiqu’oublié, c’est en effet le roman le plus dérangeant qui soit paru sous sa marque. SchrummSchrumm (on ne se lasse pas de le dactylographier) ne correspond à aucun autre livre français du XXe siècle. Beckett peut-être ? Troublant aussi le ratage de Pauvert qui, fort du succès d’estime de son auteur le pousse à « produire » un autre livre. Combet s’exécute… apparemment. En fait, il torche Factice ou les hommes-oiseaux, qui sort en septembre 1968. Tout aussi fantaisiste, le récit est cette fois inspiré par les récents événements mais est-ce un hasard ?, il conserve trente-cinq ans plus tard un petit goût de pitrerie bien dans le ton de l’époque… Fernand Combet se serait-il payé la tête du monde avec son conte allégorique ? Et de son éditeur pour commencer ? Il faut toujours se méfier des fortes têtes : Pauvert publie le livre mais accuse le coup. Cette fois, il va laisser à son auteur le temps de travailler à son troisième roman, Vie et mort de Félix C. Scribator, qu’il publiera du reste avec un grand luxe, sous la forme peu courante pour la librairie de l’époque, d’un généreux in-quarto couvert de noir. On y retrouve Fernand Combet au mieux de son talent narrant dans une langue plus réjouissante que jamais, plus neuve aussi, et plus musclée, les aventures de Félix C. dans la grande ville TutiNova. C’est un autre roman allégorique : Félix C. Scribator ressemble trop à son auteur, « avec ses colliers, ses cheveux longs, sa tenue hippie orange et marron », pour ne pas butter sur les mêmes obstacles du parcours social. Un dernier livre verra le jour : Contes d’ambre et d’opium dont les lecteurs de Gabriel de Lautrec reconnaîtront l’odeur particulière, qui paraît aux éditions du Fourneau en 1985. Ensuite Fernand Combet se tait.
De plus en plus renfermé, il finit par s’exiler du monde des lettres et installe une boutique d’antiquités asiatiques récoltées lors des nombreux voyages qu’il effectue avec Renée, sa compagne de toujours. Puis la boutique ferme et Fernand écrit. Sans relâche. En 1994, il en reste paralysé à la suite d’une attaque. Tout à ses « computers » qu’il manipule depuis le début des années 1980, il se sera usé à coup d’amphétamines, d’alcool et de ces diables de mots qui l’enchaînent de plus en plus douloureusement à son clavier. Son calvaire dure neuf ans et demi. Tout à fait oublié des « gens du milieu », il s’éteint le 29 décembre 2003 dans les bras de l’attentionnée Renée, trop incertain de la postérité de son œuvre. Avec un peu de retard, et c’est regrettable, il lui sera tout de même démontré bientôt qu’un cabochard peut avoir du génie.

Fernand Scribator Par Éric Dussert
Le Matricule des Anges n°61 , mars 2005.
LMDA PDF n°61
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