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Égarés, oubliés Doux Sauvage

mai 2005 | Le Matricule des Anges n°63 | par Éric Dussert

Grand journaliste de l’entre-deux-guerres, Marcel Sauvage fut un écrivain, animateur de revues et homme de radio. Une belle figure de l’« esprit nouveau ».

Au même titre que Claude Anet, Marcel Sauvage est une grande figure du journalisme du siècle dernier dont l’aura s’est diablement ternie avec le temps. De la génération suivante Anet était né en 1868, Marcel Pierre Léon Sauvage vit le jour le 26 octobre 1895, à Paris (il est mort le 6 juin 1988), il appartint lui aussi un jour aux élites qui ont leur notice dans le Who’s Who. Et puis le temps passe, la vieillesse arrive, parfois une guerre survient, ou le désintérêt. Pour Sauvage, dont les Mémoires devraient nous être communiquées bientôt par Jean-José Marchand (autre grand journaliste du XXe siècle), sous la marque des éditions Claire Paulhan, la Seconde Guerre mondiale ne fut pour rien dans l’oubli où on le tient aujourd’hui. Il avait déjà bien souffert de la Première…
Fils du sculpteur Gaston Sauvage, après des études aux lycées de Vendôme, puis de Beauvais, continuées à Paris, Sauvage est incorporé au mauvais moment, celui de la Grande Guerre. Ses études de médecine interrompues par le branle-bas de combat, il est blessé pendant la bataille de la Somme, avant d’être encore gravement gazé la même année 1914. Sauf, mais atteint d’une tuberculose osseuse, il est en 1923, selon Jean Maxe (id est le maurrassien Henri Massis) dans ses Cahiers de l’Anti-France, un « Artiste pauvre et doué ».
Pauvre peut-être, mais doué très certainement. Il a déjà, à cette époque, une brillante bibliographie et une énergie remarquable. Entre 1918 et 1922, on le retrouve à la tête de plusieurs publications libertaires il est ouvertement anarchiste et pacifiste, telles que L’Un, La Mêlée ou L’Ordre naturel, et son nom apparaît à la fois dans les revues socialisantes et dans les titres qui mènent la danse littéraire : Les Humbles, La Forge, Soi-même, Ça ira (Anvers), La Criée (Marseille), L’Œuf dur, etc. Il côtoie à leurs sommaires Apollinaire, Clément Pansaers, Charles Vildrac, Ezra Pound, Élie Faure, Albert Gleizes, Jean Cassou, Han Ryner ou Pascal Pia. Parallèlement et surtout il fonde avec Florent Fels une revue majeure, Action, dont le reprint procuré par les éditions Jean-Michel Place en 1999 permet de saisir la portée.
Mieux que beaucoup, cette revue dont l’existence fut courte, de 1920 à 1922, constitue une caverne d’Ali Baba de l’époque. Et l’on sait à quel point les années vingt furent riches. Grâce au talent particulier de Sauvage et de Fels mais dans des conditions relationnelles difficiles, car Fels gommera le rôle de Sauvage dans ses mémoires comme, pendant la guerre où ils sont tous les deux repliés en Algérie, Fels tentera de le débarquer du journal Tunise-Algérie-Maroc mais c’est finalement Fels qui se retrouvera correcteur à Marseille, Action devient une alternative à dada. Elle est, quoi qu’il en soit, un condensé magistral de l’effervescence qui règne avec l’« esprit nouveau ». C’est l’heure de Picasso, de Cocteau, de Salmon, ce dernier occupant, comme on sait, beaucoup d’espace. D’Ivan Goll à Antonin Artaud, près de cent vingt écrivains et illustrateurs ont composé un florilège qui témoigne de ce qu’est une époque bénie, cet âge dont on dit qu’il fut d’or.
Critique de poésie aux Nouvelles littéraires, directeur littéraire et artistique de L’Intransigeant (1939-1940), collaborateur à Détective, Marcel sauvage poursuit sa carrière de journaliste, un métier qui lui fit écrire dans l’un des « Fragments d’une autobiographie » publiés en conclusion du Premier Homme que j’ai tué (La Renaissance du Livre, 1929), « Nous exprimons des journaux quotidiens, un apéritif tonique, amer et fort. Je suis journaliste dans toutes les maisons du crime, par goût. »
Résidant à Marseille, il fait de fréquents allers-retours Canebière-Capitale durant lesquels il trouve sans doute le temps d’écrire, car il publiera, dès le tout début des années vingt, poèmes et proses à un rythme assez soutenu. S’il fallait choisir dans cette pléthore de pages souvent délectables, et parfois même tout à fait remarquables, on s’arrêterait d’abord sur ce Voyage en autobus, où il est parlé des 24 stations de Montmartre à Saint-Michel, avec 4 images de Max Jacob (Liber, 1921), et on en extrairait ce vers : « Les immeubles accourent/ Nous dévisagent et puis/ S’enfuient/ Des murs s’écroulent ». Mais il y a aussi Le Chirurgien des roses (Anvers, Ça ira, 1922), le Premier manifeste du vitalisme (R. Debresse, 1939), les Mémoires de Joséphine Baker (Marcel Seheur, 1931), des monographies (Vlaminck, les Goncourt, Théophraste Renaudot…), des reportages sur La Corrida, notes sur la guerre d’Espagne (Denoël, 1938), des enquêtes Sous le masque des sorciers (Givors, Dumas, 1946), un voyage dans le Moyen Âge contemporain… Et puis il y a, en 1969, cette Anthologie des poètes de l’ORTF où, pour la première fois, le rôle de la poésie lue sur les ondes est souligné. Enfin, pour la bonne bouche, on trouve La Fin de Paris (Denoël et Steele, 1932), un curieux roman où les statues s’éveillent et déclarent la guerre aux Parisiens… Faut-il y voir un lien avec les lettres de fous que Sauvage collectionne ? Pas sûr. Il souffle néanmoins dans ce livre une drôle de tempête. À l’évidence, l’œuvre de Marcel Sauvage, plus profuse qu’il n’y paraît, réserve des surprises plus nombreuses qu’on aurait pu deviner.


Éric Dussert

Doux Sauvage Par Éric Dussert
Le Matricule des Anges n°63 , mai 2005.
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