Giorgio Voghera n’est pas un intellectuel consensuel. Cet Italien de confession juive a connu les lois raciales de la fin des années 1930 dans sa ville de Trieste. Il a été au contact des populations exilées volontaires en Palestine. Il a vécu les prémices de la réalisation du rêve sioniste et la naissance de l’État israélien. Ballotté par l’Histoire, il s’est affranchi des analyses a priori pour délivrer un récit personnel sur sa vie dans les kibboutz, dès la veille de la Seconde Guerre mondiale. Journal circonstancié, compte-rendu, catalogue de pensées, Voghera feint d’hésiter entre toutes les formes pour prendre le meilleur de chacune. L’écrivain veut « constituer un document humain et en aucun cas un recueil de thèses et de leçons politiques ». Conscient de l’usage périlleux des citations tronquées, l’auteur se met à l’abri de toutes les récupérations partisanes. Vie sentimentale, réflexions politiques, considération sur les Palestiniens, les juifs polonais ou italiens, les hommes politiques, le travail des champs, tout est ici imbriqué de telle manière qu’il ne soit pas possible d’étiqueter une œuvre aux entrées multiples. « Ma patrie est le monde, ma loi est la liberté », professe-t-il. Cosmopolite et pacifiste irréductible, Voghera montre une réelle curiosité pour tous les peuples, notamment ces Arabes que d’autres regardent avec méfiance en cette veille de conflit planétaire. Opposé à une certaine justification du sionisme, méfiant envers les hommes politiques dont il craint les dérives arrivistes, Voghera propose une réflexion à cœur ouvert sur une question parmi les plus complexes du XXe siècle : le destin tragique de tout un peuple.
Franck Mannoni
Cahiers d’Israël de Giorgio Voghera
Traduit de l’italien par Carole Cavallera,
La Différence, 189 pages, 15 €
Domaine étranger Vivre au kibboutz
juin 2005 | Le Matricule des Anges n°64
| par
Franck Mannoni
Un livre
Vivre au kibboutz
Par
Franck Mannoni
Le Matricule des Anges n°64
, juin 2005.