La lettre de diffusion

Votre panier

Le panier est vide.

Nous contacter

Le Matricule des Anges
ZA Loup à Loup 83570 Cotignac
tel ‭04 94 80 99 64‬
lmda@lmda.net

Connectez-vous avec les anges

Vous n'êtes actuellement pas identifié. Pour pouvoir commander un numéro, un abonnement ou bien profiter, en tant qu'abonné, des archives en ligne, vous devez vous connecter avec votre compte.

Retrouver un compte

Vous avez un compte mais vous ne souvenez plus du mot de passe ? Vous êtes abonné-e mais vous vous connectez pour la première fois ? Vous avez déjà créé un compte, peut-être, vous ne savez plus trop ?

Créer un nouveau compte

Vous inscrire sur ce site Identifiants personnels

Indiquez ici votre nom et votre adresse email. Votre identifiant personnel vous parviendra rapidement, par courrier électronique.

Informations personnelles

Pas encore de compte?
Soyez un ange, abonnez-vous!

Vous ne savez pas comment vous connecter?

Domaine français En panne de mère

septembre 2005 | Le Matricule des Anges n°66 | par Dominique Aussenac

Le deuxième roman de Pascal Morin réinvente la figure maternelle. Au prix d’une habile alternance de brutalité et de finesse.

Les Amants américains

Une femme en fin de vie fait appeler le fils qu’elle a abandonné à la naissance. Une rencontre va avoir lieu. Il y aura enfin des réponses à beaucoup de questions, peut-être même de l’affection. À moins que le fils n’étrangle sa mère sur son lit d’hôpital ? L’envie est tenace, puissante. Ce roman porte une voix qui se dédouble, s’exprimant alternativement à la première et à la deuxième personne. Ses deux voix sont celles du fils. Elles fusionnent parfois, souvent divergent, instaurant une dimension tendue, troublante d’amour et de haine. Il y a la voix de l’enfant délaissé, meurtri, qui ne décolère pas et qui aujourd’hui adulte se raconte dans le huis clos de son automobile. Il traverse la France et file vers l’hôpital. L’autre voix tutoie, apostrophe la mère, rebaptisée Sourde, et en même temps la réengendre. « Les mots me viennent du ventre. Je te porte depuis longtemps. » Elle réinvente l’enfance, l’adolescence, les premiers amants de cette jeune fille solitaire, enceinte à seize ans, vivant au milieu d’une famille inattentive et frustre. Sans pathos, ni psychologisme. Le roman prend des allures de film américain des années cinquante, de polar. Le regard panoramique glisse sur un paysage, où tout semble banalisé, crever d’ennui. L’action se situe à la lisière de la campagne et de la friche industrielle. Des hommes en sueur, des ombres, arrachés à leur labeur apparaissent, découvrent Sourde, seul élément coloré, la pénètrent brutalement, puis repartent aussi silencieusement qu’ils sont venus. Le narrateur les affuble de prénoms américains, Mike, Jim ou Hal. Les contrastes sont saisissants, parfois les lumières deviennent aveuglantes, jusqu’à brûler la pellicule, faisant tituber la narration. Une émotion ? Un sentiment ? Un mensonge plus grand ? L’héroïne a-t-elle vraiment attaché le chien dans la grange, puis y a-t-elle mis le feu ? Est-ce un songe, un mauvais rêve ? Le fils rejoint la mère dans la fiction, dans un rapport narratif un brin incestueux. Lorsque les parents découvriront la grossesse de leur fille, ils l’éloigneront, l’enverront chez un jeune oncle. Il vit bourgeoisement, semble ouvert au monde. Il s’occupera de tout sans poser de questions mais leurs rapports deviendront vite ambigus. La future non-mère explorera sa nouvelle liberté, sa nouvelle ville, suivra des hommes dans les rues, suivie de loin par son oncle. Lorsque le bébé naîtra, elle disparaîtra, lui, élèvera l’enfant.
Le premier roman de Pascal Morin, L’Eau du bain (Le Rouergue, 2004), se voulait détaché, cultivait un certain cynisme. Ici, les sentiments, présents, réémergent, parfois camouflés sous des non-dits, des silences, des leurres, toujours suintant, comme une eau lustrale, le sang sur une statue mariale. Dans L’Eau du bain qui aurait pu s’intituler « Petits meurtres entre frères », trois frères œuvraient à la disparition de tous leurs aïeux mâles, grand-père, père. Les figures féminines singulièrement absentes, renforçaient une homosexualité larvée entre frangins. Dans Les Amants américains, Pascal Morin réussit à parler d’elles (la jeune fille de seize ans et la vieille à l’agonie) sans qu’elles ne soient une seule fois visibles. Ces entités réinventées, la singularité et la diversité des sentiments jamais manichéens qu’elles engendrent, font la force de ce texte au récit haché de courtes phrases, ponctué de points de suspension comme autant de mirages, autant de mensonges. Il révèle en miroir une pertinente réflexion sur la fiction, la création littéraire. Finalement qui invente qui ? Quant à savoir ce que la mère va pouvoir révéler… La fin de ce roman très subtil s’avère d’une belle finesse. « Le pire est devant nous, et nous le savons, nous tous qui roulons. »

Les Amants
américains

Pascal Morin
Éditions du Rouergue
127 pages, 9

En panne de mère Par Dominique Aussenac
Le Matricule des Anges n°66 , septembre 2005.
LMDA PDF n°66
4,00