Getting attention est une pièce extrêmement tendue où les mots tournent autour de la difficulté à dire, la difficulté d’être, et où la principale victime de ce malaise des adultes est l’enfance. La pièce est bâtie comme une partition sonore où des parenthèses indiquent un changement de ton, généralement une chute, et une virgule sur une ligne distincte signifie une pause. Comme si la parole n’arrivait pas à se faire entendre.
La construction de la pièce est menée de main de maître, ressemblant à un puzzle où il manquerait au final quelques pièces. La scène est scindée en trois lieux, un jardin, l’appartement de Nick et Caroll et un balcon à l’étage, celui de deux voisins, Milly et Sam, qui sans cesse matent ce qui se passe au-dessous. Mais l’espace central est en fond de scène, c’est la chambre de l’enfant, Sharon qui restera invisible. Seuls un panneau vitré surmontant la porte de la chambre, où la lumière s’allume et s’éteint, et une porte qui se ferme à clef, indiquent la présence de l’enfant. Pourtant la gamine hante le quotidien du jeune couple. Nick ne semblant pas supporter cette enfant née d’une précédente liaison. Parce qu’elle lui manquerait de respect. Jamais il ne sera possible de savoir ce qui se passe vraiment. Il y a les personnages que l’on ne voit pas et ceux qui se cachent. La pièce semble conçue comme une partie de cache-cache. Les mots semblent eux aussi des cache-misère, « t’es con » devenant presque une remarque tendre. Les faits sont déformés par les voisins, qui au second acte parlent à un autre invisible (un journaliste, un enquêteur ?), pour évoquer ce qui est arrivé à l’enfant (maltraitances ? enfermement ?). Un fait divers a éclaté dans les journaux et le malaise ne fait que s’accroître. À l’image du démarrage de la pièce où deux hommes masqués passeront sur scène menaçants pour disparaître sans que leurs masques (qui représentent un gorille) ne soient levés.
Getting attention de Martin Crimp - Traduit de l’anglais par Sevérine Magois, L’Arche, 76 p., 9,50 €
Théâtre Paroles masquées
avril 2006 | Le Matricule des Anges n°72
| par
Laurence Cazaux
Un livre
Paroles masquées
Par
Laurence Cazaux
Le Matricule des Anges n°72
, avril 2006.