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Domaine français L’Apocalypse joyeuse

juillet 2006 | Le Matricule des Anges n°75 | par Benoît Legemble

Germinal et Fleur évoluent dans un monde dévasté. Mais avec gaieté. François Gibault nous offre un savoureux traité de décomposition à l’usage des vivants.

Au commencement, chez François Gibault, il y a inévitablement Céline. À l’auteur du Voyage au bout de la nuit, il consacrera notamment une biographie en trois volumes publiée au Mercure de France entre 1977 et 1985. Si l’on ajoute une remarquable contribution de préfacier et d’éditeur à la sortie de son roman posthume (Rigodon), l’influence semble irréfutable. Ce que confirme son dernier opus, Cave canem, qui permet par sa fascination pour la déliquescence et les personnages burlesques à souhait qu’il met en scène de prolonger pour un temps encore l’éclat satirique du rire célinien. Car à travers la destinée pathétique de Germinal et Fleur couple sans envergure il s’agit de peindre un monde crépusculaire. C’est d’ailleurs un des sens possible du titre : « cave canem », qui signifie « attention au chien » en latin, est une inscription retrouvée à l’entrée de nombreuses villas de Pompéi.
L’univers de Gibault est donc initialement placé sous le signe de la cité engloutie, et est en cela appelé à disparaître. Tout est joué dès le départ. Il reste pourtant le plaisir de l’écriture, la verve jubilatoire avec laquelle le narrateur dresse un tableau au vitriol de notre civilisation décadente. Le lecteur est ainsi prévenu dès l’avertissement qui fait office d’incipit : « Les vociférateurs ont pris la direction du monde et leurs voix couvrent celles de la raison, de l’intelligence et du cœur. Béates, les foules aveugles les suivent, qu’ils retournent comme des crêpes, toujours prêtes il est vrai à se jeter dans les embûches et dans toutes les fournaises. » Comment ne pas penser au Léon Bloy de Belluaires et porchers dans ce portrait pamphlétaire d’une époque où la bassesse semble érigée en œuvre d’art ? Comment oublier la présence du Victor Hugo des Châtiments à la vue du second chapitre, intitulé « Napoléon le Petit » ? Au-delà de la critique des influences, l’homme de lettres qu’est Gibault a pris soin de conférer à chaque ensemble un titre qui occupe une position stratégique et signifiante dans le roman. Du Crépuscule des dieux de Wagner au Bateau ivre de Rimbaud en passant par Mort à crédit de Céline tous ces titres forment un réseau intertextuel qui guide la lecture de l’œuvre. En effet, ils lui confèrent une architecture du sens, comme s’il s’agissait de pallier le désordre du monde environnant. C’est qu’on marche sur la tête dans l’univers de Cave canem : l’état s’y saborde lui-même, les gueules cassées sont à la mode, et les marchands d’armes voient leur prospérité assurée. Dans ce contexte, Germinal s’avère impuissant à changer quoi que ce soit : « Complice d’une vie familiale ordinaire, c’était un lâche et un pleutre, incapable de tuer son père, de faire sauter un commissariat, de transgresser ouvertement les bonnes manières et même de battre son chien sans raison ». Là où tout autour de lui renvoie au triptyque travail/famille/patrie, le jeune homme refuse même de faire son service militaire. Véritable antihéros inscrit par ses parents chez les Petits Frères de la Pensée Unique, son destin est comme exprimé d’avance par son nom. De même qu’il semble prédestiné à rencontrer Fleur, qui deviendra sa femme. Ne dit-on pas d’une fleur qu’elle germe ?
Gibault aime rire, et son écriture s’organise autour de ce type de procédés qui rend la lecture divertissante, pour ne pas dire franchement drôle. Souvent tragiques sont pourtant les guerres intestines qui agitent le village africain de Bimboutou où le couple s’est installé. Depuis la guerre opposant les peuplades Trabouzoukes et Sakhalènes jusqu’à la tentative de putsch des ouvriers de Germinal cherchant à s’emparer de l’usine, Gibault nous raconte avec humour la débâcle d’un monde enragé. La naissance d’Odilon n’y changera rien, au contraire. Il n’y a aucune rédemption possible, seulement la persécution. Mais il n’est pas interdit d’en rire, voilà ce que nous apprend l’auteur de Cave canem.

Cave canem
François Gibault
Éditions Léo Scheer
218 pages, 18

L’Apocalypse joyeuse Par Benoît Legemble
Le Matricule des Anges n°75 , juillet 2006.
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