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Domaine français La fin de l’innocence

septembre 2006 | Le Matricule des Anges n°76 | par Hélène Pelletier

Après « Du mercure sous la langue », l’écrivain québécois Sylvain Trudel nous offre des nouvelles d’une aussi grande force, qui troublent et ravissent à la fois.

La Mer de la tranquillité

Né à Montréal en 1963, Sylvain Trudel a jusqu’ici fait paraître, en plus de plusieurs romans pour la jeunesse, six ouvrages de fiction dont trois ont été publiés par Les Allusifs. La Mer de la tranquillité, brise rafraîchissante sur cette rentrée, réunit neuf nouvelles bouleversantes et chamarrées, situées en zone de fort tumulte et d’océan plutôt agité, mais, comme veut l’indiquer le titre, en quête d’apaisement.
Dans une langue colorée et abondante qui ne s’essouffle pas, nous sont présentés des protagonistes déchirés entre une conscience aiguë du vide et l’énergie brute de l’enfance et de la révolte, entre le désespoir des désillusions et l’immense curiosité qui les animent. C’est cette tension portée par une écriture riche et inventive, et souvent humoristique, qui fait tout le sel, la finesse de l’œuvre.
Le premier texte intitulé « Épiphanies », récit d’une existence « catastrophique », n’est pas sans rappeler le roman Le Souffle de l’harmattan (Les Allusifs, 2002 ). C’est, dès le début, la fin de l’innocence qui constitue l’un des éléments de la toile de fond du recueil, aussi Thomas n’est qu’un enfant lorsqu’il ose ce constat : « On serait toujours soi-même dans l’éternité, cette solitude serait un esclavage perpétuel, et j’essayais de fuir ces sensations terrifiantes que m’inspiraient le corps et l’âme. » C’est une fuite mais aussi le besoin de poursuivre une quête, de se savoir investi d’une mission, malgré la fin définitive des croyances. Sylvain Trudel cause en effet de Dieu bien souvent, toujours pour le ranger au placard, comme le fait l’oncle Bernard en conseillant de troquer le catéchisme pour un peu de pornographie (appelée « sciences naturelles »), Alain le frère héroïque buveur de tequila, et Magloire le mendiant devant le jeune Jano en fugue qui souhaite vainement sauver une prostituée, dans « Le Quadrille à Maman Maïs » : « (…) au lieu de nous humilier il devrait nous remercier d’être des fous assoiffés de sang, parce que c’est notre cruauté qui a fait de lui un sauveur. » Mais comment exister tranquillement dans ce délaissement, en se sachant « né de la main gauche », différent des autres, et souffrant d’un tel accès (perpétué) de lucidité ? Même s’il y a parfois un peu de répit, comme dans « L’Oiseau-Tonnerre » où le ciel est plus clément, c’est aussi l’enfance cruelle, les questionnements, la laideur étroitement mêlée à la misère, l’intensité du malaise adolescent, autant qu’une réflexion presque trop honnête sur la vie en déclin. Les personnages errent, seuls, et au hasard d’une rencontre, les angoisses s’entrechoquent, comme dans la nouvelle qui donne son titre à l’ensemble, lorsque le tout jeune homme croise le plus âgé et passe un moment avec lui : « Et tout d’un coup je sens peser sur moi le poids de mes vingt ans, l’âge mythique de la force et de la beauté (…), la prétendue saison des rêves et de l’orgueil détraqués où les jeunes gens n’ont peur de rien, pas même de tout détruire pour reconstruire le monde sur les ruines des civilisations (…) et l’on espère de moi cette fallacieuse bravoure, cette violence aveugle ». Cet espoir sera déçu quand viendra le choix de la mort et du renoncement, l’ultime abandon, l’ultime fuite des suicidés, ceux-là que l’amour des femmes ne suffit pas à réchauffer ni éclairer : l’énigme, dont la solution reste introuvable, de la vie que l’on doit à tout prix aimer vivre.
Ces nouvelles auxquelles on ne peut éviter d’attribuer une dimension périlleuse par la détresse et le désenchantement qu’elles mettent en scène, accordent aussi, notamment dans la longue lettre au fils qui boucle la composition, une large place au bonheur. Elles représentent fidèlement, et d’une poésie souvent éclatante, un monde où s’entremêlent froidures et grande solitude, mémoire et oubli : une croisée de chemins de traverse, de raccourcis vers la mort, voies qu’emprunteront l’adolescence et la vieillesse toutes deux souffrantes, mais non sans avoir fait d’abord quelques détours joueurs du côté du rêve.

Hélène Pelletier

La Mer de la tranquillité
Sylvain Trudel
Les Allusifs, 185 pages, 15

La fin de l’innocence Par Hélène Pelletier
Le Matricule des Anges n°76 , septembre 2006.
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