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Domaine français Du dandysme

septembre 2006 | Le Matricule des Anges n°76 | par Benoît Legemble

À travers l’autobiographie fictive d’Arthur Cravan, Philippe Dagen explore les multiples facettes d’un des plus intrigants personnages du XXe siècle.

Arthur Cravan n’est pas mort noyé

Plus connu du grand public pour ses prises de position à la solde de l’art contemporain, le critique Philippe Dagen est engagé depuis des années dans une croisade contre un académisme esthétique qu’il juge volontiers délétère. Comment oublier La Haine de l’art, essai iconoclaste qui réactualise la querelle des anciens contre les modernes ? C’est que Dagen refuse la stigmatisation décadentiste de l’art contemporain. Une propension à la rébellion qui le conduit à voir dans ces positions conservatrices les traces d’un malaise idéologique : la tentation réactionnaire. Ce refus de l’inertie, Dagen le partage avec le héros éponyme de son dernier roman, Arthur Cravan n’est pas mort noyé. À la fois neveu d’Oscar Wilde, boxeur, poète empreint d’absolu et critique d’art aux invectives restées célèbres au sein de la revue Maintenant, il fait l’objet d’un véritable culte aujourd’hui encore tant sa liberté d’esprit était grande. C’est que Fabian Avenarius Lloyd de son véritable nom a eu une destinée fascinante. Il disparaîtra pourtant de façon précoce. Mais si Cravan n’avait pas perdu la vie sur les rives du Rio Grande au Mexique, pas plus qu’au cours d’une rixe contre les forces de Zapata, comme le voulaient les versions de Breton et Cendrars, qu’il fréquenta un temps ? Tel est le point de départ du roman de Dagen. La mort forme le terreau du mythe, et l’électron libre qu’est Cravan jubile à l’idée de prendre un nouveau départ, changeant à son gré d’état civil pour satisfaire sa soif d’expériences. « J’ai plus de souvenirs que si j’avais mille ans », ces vers issus des Fleurs du mal de Baudelaire ouvrent le roman, sont pastichés, retournés, triturés. Ils nous apprennent cependant que Cravan n’est pas Un, mais Tout et Tous. S’il reprend la parole depuis la Suisse, c’est avant tout pour se débarrasser des falsifications des biographes, « de leurs erreurs et de leurs inventions comme d’une gangue de boue séchée autour de ce que je veux examiner ». Des identités qu’il s’invente, Cravan reste la plus célèbre. Ce sont pourtant ses avatars qui dévoileront sa complexité psychologique : « J’ai pensé que le neveu d’Oscar Wilde devait prendre à son compte le prénom et le nom du plus illustre personnage que mon oncle ait créé ». Ainsi naîtront « Gary Adorni et ses doubles, tous anagrammes complets cette fois, de Dorian Gray. » Le motif du double, si cher aux romantiques, brouille les pistes en attachant la destinée de Cravan à celle de son oncle. Mais le neveu passe maître dans l’art de la fugue : il disparaît constamment, passant d’un lieu à l’autre avec la facilité du passe-muraille. Tel dieu dans son œuvre, il est une abstraction, présent partout et visible nulle part. Le récit garde pourtant la marque de Dagen avec ses portraits aux vitriols du microcosme artistique. Le chapitre « Un menteur » dépeint ainsi un Cendrars aux « affabulations pénibles », doué de cette « compassion du pasteur compréhensif et navré (et profondément ulcéré en dépit de son sens chrétien de la charité) ».
Dagen a le sens de la formule, et les épigones de Cravan contribuent à son entreprise de destruction. Pulvérisant le faux modernisme par son dilettantisme, Cravan (rebaptisé Archinard pour l’occasion) jubile ainsi de l’ironie de la situation lorsqu’il dupe la respectable galerie Bernheim en exposant des croûtes de son cru. C’est que « l’art moderne était devenu une bonne affaire, meilleure même que l’autre, l’officiel, l’académique », « jusqu’aux fabricants de savons et de caleçons, chacun se disait moderne : ça devenait grotesque. » Face au cirque de l’art moderne, Cravan résiste avec élégance. À chaque siècle son dandy : le XIXe siècle avait George Brummel, le XXe retiendra certainement Cravan. En dépit de ses tics de polémiste, Dagen nous offre un roman remarquable. Véritable mine d’informations sans jamais oublier d’être ludique, il offre le tableau nuancé d’un homme dont la seule existence sert à illustrer les propos de Baudelaire dans Mon cœur mis à nu : « Le dandy doit aspirer à être sublime sans interruption. Il doit vivre et dormir devant un miroir ».

Arthur Cravan
n’est pas mort noyé

Philippe Dagen
Grasset
299 pages, 17,90

Du dandysme Par Benoît Legemble
Le Matricule des Anges n°76 , septembre 2006.
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