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Domaine étranger L’île de la tentation

septembre 2006 | Le Matricule des Anges n°76 | par Thierry Guinhut

Une île japonaise est le théâtre d’une opération militaire qui ressemble à s’y méprendre à notre télé-réalité. Un livre trépidant et racoleur.

Télé-réalité ou littérature ? La frontière semble bien fragile entre scénario détaillé d’un jeu à suspense et fresque narrative sur les peurs et les pulsions qui animent nos sociétés modernes.
Nous sommes dans un Japon contemporain que gère un régime tyrannique mené par un « Reichsführer ». De solides barrières protègent la culture nationale de l’influence délétère de l’Amérique du rock and roll et des libertés. Nous n’en savons guère plus. Seul importe ici un jeu à la disposition du lecteur autant que des dirigeants du pays. En témoigne le plan quadrillé de l’île et la liste des quarante-deux participants au début du volume. Ce qui permet, avec un brin de perversité de la part de l’auteur, de nous sentir de mèche avec les organisateurs venus des hautes sphères politiques qui hasardent des sommes colossales…
Le principe est simple : chaque année, l’on isole cinquante classes de troisième pour forcer les élèves à s’entretuer. Le vainqueur gagnera le privilège de vivre aux frais de l’État pour le reste de son existence. Ce qui fait quarante et une victimes adolescentes à multiplier par autant de classes. C’est officiellement un programme de défense nationale, une « Expérimentation militaire ».
Nous suivons de l’intérieur, en 80 chapitres, deux prologues et un épilogue, le déroulement de l’opération. On gaze le bus scolaire afin d’embarquer tout le monde sur une île et on annonce la chose avec force menaces puis un meurtre bien dissuasif. Et les participants de s’égailler dans la nature, munis chacun d’une arme, de la mitraillette lourde au couteau de poche en passant par l’arc ou la fourchette. Détails importants : on annonce régulièrement les secteurs interdits faute de quoi votre collier piégé explose avec vous et le pire arrive pour tous si aucun élève n’est tué dans un certain délai. Les caïds foncent, quelques filles amicales se réfugient dans un phare jusqu’à ce que méprise et traîtrise les conduisent au carnage. Qui l’emportera ? La bête brute aux muscles assassins ou le vainqueur d’une précédente session qui, hasard incroyable, s’est trouvé dans cette nouvelle classe ? L’histoire gagne un soupçon d’intensité lorsque l’ultime combattant déjoue les plans du régime en sabotant la surveillance informatique et en entraînant dans sa fuite deux autres dissidents. Voilà qui donne un léger parfum d’anti-utopie à ce roman d’action, comme on parle d’un film d’action.
On a deviné que ce livre, qui a enthousiasmé Stephen King, peut passer pour passablement médiocre. C’est un défilé de personnages sans grand relief ni individualité (inutile de donner leurs noms) de suspenses convenus, agrémentés de scènes gore, avec ce qu’il faut de surprises attendues. Et pourtant… Force est d’avouer qu’on se laisse prendre malgré soi à cette lecture efficacement construite et trépidante. Et n’est-ce pas un révélateur de nos sociétés ? D’autant qu’un succès phénoménal et multimédia entoure cet opus au Japon : film bien sûr, et treize volumes de mangas à ce jour, ce qui n’est pas innocent. On pourra gloser sur la dimension satirique. Le pays du Matin calme n’est-il pas celui où dès l’entrée dans le système éducatif règne la compétition la plus effrénée ? En ce sens Battle royale est une métaphore des plus réussies. Mais se limiter à critiquer le Japon serait une erreur. Notre télé-poubelle n’est pas loin. Si civilisés que nous sommes, peu de chose suffirait à faire basculer une bonne partie de nos populations dans cette variante hollywoodienne des jeux de gladiateurs qui satisferait nos voyeurismes. « Du pain et des jeux » était la devise d’Auguste pour fixer le peuple autour du cirque et dans les limites de son despotisme. Elle pourrait être la devise de modernes tyrans ou d’efficaces empires médiatiques. Si cette réflexion peut s’affiner à l’occasion de Battle royale, nous n’aurons pas perdu notre temps avec cette lecture racoleuse.

Battle royale
Koushun Takami
Traduit du japonais par Patrick Honnoré et Tetsuya Yano
Calmann-Lévy
576 pages, 24

L’île de la tentation Par Thierry Guinhut
Le Matricule des Anges n°76 , septembre 2006.
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