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Domaine étranger Les fleurs du mage

novembre 2006 | Le Matricule des Anges n°78 | par Jérôme Goude

Oscillant entre cruauté clinique et onirisme insidieux, les nouvelles du Hongrois Géza Csáth sont comme d’intenses sismographies de l’inconscient.

Le Jardin du mage

À l’aube du XXe siècle, Budapest est l’une des grandes capitales du renouveau culturel européen. La revue littéraire avant-gardiste Nyugat (Occident), créée en 1908, accueille maints auteurs dont le très jeune Géza Csáth (1887-1919), plus connu en tant que médecin psychiatre sous son vrai nom József Brenner. Exhorté par son cousin le poète et romancier Dezsó Kosztolányi, cosmopolite et polyvalent, Csáth publie son premier écrit à 18 ans. Le Jardin du mage rassemble des nouvelles dans lesquelles geste littéraire et psychopathologie clinique interfèrent subtilement.
Les éditions de l’Arbre vengeur mettent à notre disposition une traduction inédite de ces textes déjà parus chez Alinéa en 1988 sous le titre Le Silence noir. Pareil à une composition dramatique, le recueil s’ouvre sur un conte merveilleux, macabre et fantastique, « Le jardin du mage », enchaîne de façon vertigineuse force textes concis et se clôt sur un récit funèbre, « La mort du mage ». Le lecteur parcourt ainsi un itinéraire qui, ponctué par l’intrusion de petits Vésale pervers et de cadavres familiers, mime l’allegro inexorable et abyssal d’une pulsion destructrice dans laquelle l’auteur lui-même s’abîmera. En proie aux affres d’une addiction à la morphine, Csáth sombre dans la folie, tue sa femme et se suicide. Le récit intitulé « Suicides d’artistes » (in Cure d’ennui, Gallimard, 1992), recueil réunissant six auteurs hongrois autour du psychanalyste Sándor Ferenczi, peut être lu rétroactivement comme l’aveu à peine voilé préfigurant cet ultime passage à l’acte.
D’une « simplicité diabolique » et d’une précision horlogère, certaines nouvelles flirtent avec l’absurde tout en convoquant l’Unheimliche freudien, à savoir l’inquiétante étrangeté tapie dans le quotidien. À travers son antihéros Jànos Bartos, « Le train » offre ainsi un frère d’infortune au Bartleby de Melville : « C’était un homme aimable et simple, un employé quelconque de rang moyen à la Caisse d’Épargne. » D’autres, plus crues ou implacables, s’aventurent davantage dans les méandres de l’inconscient. Variation sur l’œdipe inhérent au Saint Julien l’Hospitalier de Flaubert, « Matricide » rend compte de la troublante acuité de Géza Csáth. En outre, l’objectivité impassible et le cynisme impénitent que stigmatise cette fiction stupéfiante évoquent le Pétrus Borel des Contes immoraux ou le Baudelaire des Petits poèmes en prose : « Alors, les deux garçons excités se mettaient à l’œuvre avec une lenteur circonspecte. Ils fendaient la poitrine du chien, épongeaient le sang, et, tout en travaillant, ils écoutaient les vagissements de la bête impuissante. Ils observaient le cœur qui battait prenant la petite mécanique chaude et frémissante dans leurs mains et la détraquaient en perçant les ventricules et les valvules. Le mystère de la douleur devint pour eux l’objet d’une passion inépuisable. »
« La petite Emma », « Eszti la rousse » et « Matricide », entre autres, sont autant de nouvelles que l’ « éternel féminin » hante obscurément. Elles semblent bien être le creuset des obsessions érotiques, voire incestueuses, de l’auteur. Érotisme qu’obscurcit un incoercible penchant pour le morbide : « La fille se roula sur le tapis, puis se laissa embrasser et enlacer, immobile. Le fils Witman pensa au hibou et brusquement il se demanda pourquoi tout ce qui était beau, excitant et merveilleux dans la vie, était en même temps terrifiant, incompréhensible et sanglant. » Dans le texte liminaire « Le jardin du mage », monde trivial et monde « miraculeux » coexistent. Par le truchement d’une secrète alchimie, un Mage meurtrier parvient à transformer des fleurs en jeunes filles.
Et si notre jardin le plus intime recelait aussi d’extraordinaires tubéreuses exhalant un parfum capiteux et vénéneux ? Puis d’insatiables plantes carnivores.

Le Jardin
du mage

Géza CsÁth
Traduit du hongrois par Éva Brabant Geró et Emmanuel Danjoy
Illustré par J.-M. Perrin
Éditions de l’Arbre vengeur
261 pages, 15

Les fleurs du mage Par Jérôme Goude
Le Matricule des Anges n°78 , novembre 2006.
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