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Domaine étranger D’un pôle à l’autre

novembre 2006 | Le Matricule des Anges n°78 | par Thierry Guinhut

En suivant deux explorateurs à un siècle et demi de distance, l’Américain William T. Vollmann écrit l’histoire du Grand Nord canadien.

Vollmann œuvre souvent dans le monstrueux. Outre un monumental essai de 4000 pages sur la violence, inédit en français, son roman le plus remarqué (La Famille royale, Actes Sud) faisait 940 grandes pages bien tassées. Écrivant une épopée de la prostitution, il dressait une fresque impressionnante des bas-fonds, de leurs horreurs et splendeurs méconnues. Devant une telle ambition, les esprits chagrins lui reprocheront sa propension à une ampleur pas toujours nécessaire. Les Fusils n’échappera pas à ce reproche de longueurs parfois étirées… Mais force est de constater qu’un tel titanisme mérite le respect.
Car William T. Vollmann (né en 1959) a fait Sept rêves, « histoire symbolique du continent américain en sept volumes » dont quatre sont aujourd’hui publiés aux Etats-Unis, parmi lesquels une Vraie histoire de Pocahontas et du Capitaine Smith, puis Les Fusils qui, quoique le sixième, est le seul à être soumis à la sagacité du lecteur français. La dimension historique est certes ici présente, avec le récit de l’exploration du fameux Passage du Nord-Ouest entre glaces et îles du Grand Nord canadien par le capitaine sir John Franklin, qui, à partir de 1845, lui coûta la vie, avec tout son équipage. Comme vu de l’intérieur de l’expédition, c’est un roman dans le roman qui entretient une relation onirique avec l’odyssée de celui que l’on sent être l’alter ego de l’auteur. En effet, parallèlement, dans les dernières années du XXe siècle, Subzéro, « jumeau » de Franklin et dont le nom est bien sûr tout un programme, reparcourt ces territoires lacunaires et blancs, à la recherche de cette mémoire, et de celles des peuples épars sur ces terres arctiques. Comme son mentor, il rencontre Reepah, une Amérindienne « au cœur magnifique » : s’unir à elle par amour, c’est pour lui s’unir totalement à ce territoire, à ses habitants.
Une fois de plus, et à l’instar du peuple prostitué de La Famille royale, ce sont ici des populations délaissées, souvent méprisées, qui tentent de survivre, malgré la dégradation de leur milieu à cause du réchauffement climatique, de l’exploitation des ressources et de la contamination par le mode de vie occidental : « Les crêtes des toundras étaient transmuées par l’agencement miraculeux des bulldozers en buttes de terre, et les animaux devenaient de la viande. » Vollmann, « s’interrogeant sur les qualités morales des fusils », voit en effet dans l’irruption des outils et des technologies la cause des évolutions, voire des bouleversements des cultures. C’est ainsi que les Inuits regardent les fusils « teindre la glace de sang ». L’auteur cependant prend garde de ne pas accuser l’instrument de tous les maux, dans un monde où les déplacements de populations blanches par le gouvernement canadien qui voulait garder des territoires sous son emprise sont discutables, où il fait faim, dans un froid polaire, qui est aussi trop souvent celui du cœur. L’un des moments les plus impressionnants du roman est peut-être ce séjour solitaire dans une station abandonnée, par moins quarante. Le fusil ne peut rien contre le pouvoir de la glace…
Subzéro partant pour une quête du froid, une quête de soi et de l’autre, Vollmann a-t-il voulu écrire, quoique avec une modestie qu’on attendait peu de sa part, avec une langue sobre, des personnages pleins d’humilité, son Moby Dick bardé de citations ? Roman historique, encyclopédique et d’aventures, déploration d’une culture menacée, Les Fusils est tout cela à la fois. Les Inuits en voie d’acculturation n’échappent ni à la plume investigatrice, ni à la sensibilité de Vollmann qui écrit par fragments, comme pour marquer les étapes d’un journal de navigation ou de marche parmi la toundra. Il laisse ainsi respirer l’espace entre réalité et imaginaire, entre constat politique engagé et fiction. Sans compter les croquis, personnages, cartes et paysages, comme saisis sur le vif du froid, qui ajoutent à ce livre riche de tout un monde une dimension plastique et poétique bienvenue.

Les Fusils
William T.
Vollmann
Traduit de l’anglais (États-Unis)
par Claro
Le Cherche Midi
416 pages, 21

D’un pôle à l’autre Par Thierry Guinhut
Le Matricule des Anges n°78 , novembre 2006.
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