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Poches Sulfureuses confessions

novembre 2006 | Le Matricule des Anges n°78 | par Benoît Legemble

À travers un roman autobiographique enlevé, l’incandescent Maurice Sachs brouille encore un peu plus les pistes sur sa personnalité trouble.

A priori on peut difficilement faire plus antipathique que Sachs. Membre de la Gestapo durant la Seconde Guerre mondiale, il dénonce ses camarades français au Service du Travail Obligatoire. Une cruelle ironie veut qu’il ait finalement atterri à la prison de Fuhlsbütteln, où il avait envoyé de nombreuses personnes. Il sera exécuté en avril 1945 dans des conditions obscures sur le chemin menant de la prison de Fuhlsbüttel à Kiel. Lié à Gide, ami de Cocteau avec qui il finira par se brouiller, il reste l’une des figures de proue des salons homosexuels du Paris de l’entre-deux guerres. Son implication dans des affaires d’escroquerie et une tendance à l’antisémitisme d’autant plus incongrue qu’il est lui-même issu d’une famille de joailliers juifs accentuent encore le caractère odieux et repoussant du personnage. On comprend donc que plus qu’avec aucun autre, son cas pose la question de la dissociation de l’œuvre et de l’homme. Preuve en est avec son premier roman, Alias, paru en 1935, qui est en fait une autobiographie déguisée.
Pourtant, au-delà du jeu de pistes se dégage un véritable plaisir à lire les aventures de Blaise Alias. Jeune orphelin éduqué dans un collège français grâce aux subsides envoyés par sa tante péruvienne, il vient juste de faire seize ans. Fort d’une coquette somme de plusieurs milliers de francs économisés sur la pension de cette dernière, Blaise est envoyé à Paris chez un ami de ses amis, Mr. Adelair. Vite dépouillé d’une partie de sa bourse par son nouveau tuteur, le roué comprend qu’il va falloir être sur ses gardes. Et c’est là qu’il faut voir l’intérêt de l’œuvre : il s’agit d’un roman de formation dans la plus pure tradition. Chacune des rencontres qu’il fait participe à son apprentissage de la perversion. On reconnaît là la patte du provocateur Sachs qui aime offusquer la morale bourgeoise en donnant à voir des personnages tous plus scandaleux les uns que les autres, tel César Blum tout juste échappé du monastère pour détourner de son sacerdoce un jeune jésuite en admiration devant son œuvre sorte de Pygmalion libidineux dans lequel beaucoup auront vu le portrait de Max Jacob. Mais à travers les virées avec Adelair, la grande vie au Ritz, les bals homosexuels au cours desquels il fera la connaissance de Maryem, adolescent à la vie dissolue, il s’agit également de voir un témoignage unique sur la soif exacerbée des plaisirs dans les milieux artistiques des Années folles. C’est cette période d’extraordinaire d’agitation, où l’élite se retrouve au Bœuf sur le Toit avant de prolonger la nuit dans des soirées masquées que restitue le roman de Sachs. Tiraillés entre la chair et la vie spirituelle, comme Montcalm et Alias hésitant entre les maisons closes et les salons littéraires, les Radiguet, Jacob et consort s’enfermaient rue d’Anjou pour partager avec Cocteau les visions d’enfer qu’ils recherchaient dans l’opium.
Cette obsession de la transgression est d’ailleurs au cœur du récit d’Alias, qui dépeint la chute du jeune homme innocent qui s’en va à la ville. Sachs peine à tempérer son caractère sulfureux. Il aime choquer, mais justifie ses tableaux parfois à la limite du bon goût par la peinture de mœurs. Pourtant, alors qu’on pense que sous l’impulsion de Mme Charpon l’aspiration spirituelle se fait de plus en plus forte chez Alias, c’est uniquement par faiblesse de caractère qu’il acceptera de rentrer dans les ordres après que la Charpon a proposé son nom pour s’attirer les faveurs de son beau-frère, futur cardinal de Paris en quête d’électeurs. La métamorphose a échoué, ultime preuve de la dimension subversive du roman et véritable clef de voûte de la pensée de Sachs. On ne peut pas sauver Blaise, car il subsiste chez lui ce « je-ne-sais-quoi », pour reprendre les bons mots de Chateaubriand, de profondément nébuleux. En ceci, il préfigure déjà le Sabbat œuvre phare de Sachs. Il insiste sur la personnalité de l’écrivain, dont la conversion étonna et à propos duquel sa marraine Raïsa Maritain concilia dans son journal : « Baptême de Maurice. Malgré tout je ne suis pas rassurée. Ce garçon a quelque chose qui m’inquiète. »

Alias
Maurice Sachs
Gallimard,
« L’Imaginaire »
181 pages, 5,90

Sulfureuses confessions Par Benoît Legemble
Le Matricule des Anges n°78 , novembre 2006.
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