Écrit en hommage à Flaubert, dédié à Zola dans sa première édition de 1879, Giacinta révèle une lettre de l’auteur en postface provoqua « un hurlement d’indignation ». Épargné par la justice transalpine, Luigi Capuana fut cependant accusé des mêmes crimes que le créateur de Madame Bovary. On lui reprocha d’avoir « voulu spéculer sur la crasse, flattant ce qu’il y avait de plus bas et de plus immonde dans la nature humaine ». Même époque, même tollé pour un même sujet d’étude et d’effroi : la femme.
Emma et Giacinta se distinguent néanmoins par l’origine de leur mal-être. À l’une trop de lectures sources de frustrations, à l’autre un viol à l’âge de 9 ans. La fracture s’installe de manière plus ou moins consciente, mais il faut continuer à vivre. À l’écart du monde d’abord, dans un pensionnat ; puis en plein dedans, sur les banquettes d’un salon qu’une mère avide a transformé en succursale bancaire où affluent les prétendants. Parmi eux Andrea Gerace, modeste employé choisi par Giacinta car seul à ne pas se réjouir quand elle hérite inopinément d’un parent décédé. C’est le signal qu’elle semblait attendre pour se révéler. Afin d’être « en règle avec la société », elle épouse le comte Grippa, riche mais assez benêt pour accepter Andrea auquel elle se donne en prélude à sa nuit de noces. Dans un renversement des rôles sans doute responsable du scandale autour du roman, l’amant entretenu fustige sa propre « soumission d’animal dompté » par une femme consciente, elle, de s’être laissée piéger toute seule « dans un filet serré d’illusions ». Privilégiant la recherche d’authenticité au détriment de l’émotion, Capuana autopsie cette « passion véritable, bien qu’étrange, pathologique même » avec une efficacité qui lui vaudra d’être reconnu comme l’initiateur du vérisme italien, équivalent de notre naturalisme.
Giacinta de Luigi Capuana
Traduit de l’italien par Olivier Favier
Farrago, 273 pages, 22 €
Histoire littéraire Emma et sa cousine
novembre 2006 | Le Matricule des Anges n°78
| par
Françoise Monfort
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Emma et sa cousine
Par
Françoise Monfort
Le Matricule des Anges n°78
, novembre 2006.