Théodore Balmoral N°52/53 (Aussi longtemps qu’on est en vie)-

Commençons par la fin de la nouvelle livraison de l’endurante et excellente revue Théodore Balmoral, avec ce très beau texte que Jacques Réda esquisse sur la poétique de l’inclassable écrivain suisse Charles-Albert Cingria. Y est dit ce qui peut-être rassemble toutes les autres contributions de ce numéro : « Ce qui demeure (chez Cingria) est le véhicule en quelque sorte musical de la doctrine, et la polyphonie qui la submerge et déroule avec subtilité, coruscation, espièglerie, tous les fastes d’un poétique concret ». Concrétude des perceptions d’enfances, balancement rythmique de la langue qui se trouve occupée à les décrire, voilà les deux basses, comme en stéréophonie, réunies pour des accords d’écritures subtiles et savantes. Notons, par exemple, l’« Iris », de Mina Süngern, texte en bloc de prose serrée, sans ponctuation aucune, tendu vers le mystère d’une presque enfance. Ailleurs, deux pages d’Odette Pagier narrent, d’une pudeur exemplaire, l’abandon d’une petite fille, et de ce qu’elle laisse derrière elle par un livret sans famille. C’est encore l’enfance, meurtrie, tatouée sur le corps, qu’écrit la peintre Marie Alloy dans son « Il n’y a pas d’ange qui tienne ». À travers le journal (P. de Roux), le récit (G. Ortlieb), les traces de voyage (C. Dourgoin), la mort d’un père (V. Horton), les sonnets (Y. Leclair), la prose coupée (E. Faure), et un très singulier carnet de réflexions libres (J. Falletti) se rythment rencontres et mémoires, ce que l’écriture, instrument de la distance juste, redéploie en fait d’origines perdues, jusque dans notre présent.
Théodore Balmoral N° 52/53, 208 pages, 20 € (5, rue Neuve Tudelle, 45100 Orléans)