La lettre de diffusion

Votre panier

Le panier est vide.

Nous contacter

Le Matricule des Anges
ZA Loup à Loup 83570 Cotignac
tel ‭04 94 80 99 64‬
lmda@lmda.net

Connectez-vous avec les anges

Vous n'êtes actuellement pas identifié. Pour pouvoir commander un numéro, un abonnement ou bien profiter, en tant qu'abonné, des archives en ligne, vous devez vous connecter avec votre compte.

Retrouver un compte

Vous avez un compte mais vous ne souvenez plus du mot de passe ? Vous êtes abonné-e mais vous vous connectez pour la première fois ? Vous avez déjà créé un compte, peut-être, vous ne savez plus trop ?

Créer un nouveau compte

Vous inscrire sur ce site Identifiants personnels

Indiquez ici votre nom et votre adresse email. Votre identifiant personnel vous parviendra rapidement, par courrier électronique.

Informations personnelles

Pas encore de compte?
Soyez un ange, abonnez-vous!

Vous ne savez pas comment vous connecter?

Domaine français Solitudes fêlées

mars 2007 | Le Matricule des Anges n°81 | par Thierry Guichard

Autour de la disparition d’un jeune père de famille, Arnaud Cathrine déploie des voix féminines qui délimitent le vide de nos vies. Monologues fantomatiques.

La Disparition de Richard Taylor

Richard Taylor disparaît de chez lui et de son travail à la BBC alors qu’il vient d’être papa. Et propriétaire d’un appartement de soixante mètres carrés. On le sait d’emblée, parce que c’est Susan Taylor, sa femme qui nous le dit. Puis une collègue, puis la mère de Richard. Elles seront quelques-unes à s’avancer ainsi, s’adressant à nous, à elles-mêmes, à un personnage hors champ et jusqu’au disparu lui-même. Des voix qui ressassent le manque, le deuil parfois, ou qui égrène l’arpège blafard des méthodes Coué. Le procédé romanesque n’est guère original, on en convient. Venir parler autour d’un absent, c’est ce qu’on fait aussi aux veillées funèbres. Mais Richard n’est pas mort. Il est en fuite. On le comprend. Les figures féminines qui l’entourent semblent sortir d’une boîte à clichés : une femme un peu simple, aussi torride qu’un Sopalin sur une nappe cirée. La mère, étouffante et autoritaire, dont le narcissisme ne souffre pas la présence des autres. Une collègue qui se crée un rôle de mauvaise série télé pour elle toute seule : « au moment même où j’avais commencé à aimer Richard, j’avais d’ores et déjà décidé que je ne l’aimerais pas. » Ses femmes-là sont seules et s’enfoncent dans l’inanité de leur existence. On comprend la fuite de Richard, mais on devine que pour lui il est désormais trop tard.
À nouveau Arnaud Cathrine explore l’univers familial à travers les non-dits. Ici, l’auteur resserre sa focale en même temps qu’il étend sa palette. Dans la famille, c’est le rapport maternel qui retient son attention : la mère qui psychanalyse à la petite semaine et trouve que son fils est « rentré », pour dire renfermé en donnant l’idée de l’enfouissement dans la matrice, la jeune épouse devenue mère et donc désexuée, et jusqu’au transsexuel du bar Madame Jojo’s qui considère que les clients de son bar sont ses enfants. On pourrait facilement s’ennuyer de cette histoire qui donne au gris banal les couleurs blafardes des petits matins. Même en jouant la piste du brouillage de l’identité sexuelle, Arnaud Cathrine ne sort pas des sentiers battus. Mais il y a les voix, celle de Susan Taylor, en premier, qui emportent. Des voix dont le débit, les colères et les abattements font résistance. Nous sommes avec des clichés qui continuent de parler. En vain souvent. Mais qui continuent cependant. Reste d’humanité pauvre, la parole crée l’existence, fonde une identité. Arnaud Cathrine incarne un moment la dramaturge Sarah Kane, elle est comme les autres personnages en quête d’un amour absolu et l’on entend le deuil de cet espoir-là derrière chacune de ses tentatives lyriques d’y croire encore.
C’est donc à une galerie de portraits de femmes et d’hommes seuls que nous invite La Disparition de John Richard Taylor. Autour d’eux, se fait jour peu à peu la société qui a créé le vide dans lequel ils s’enfoncent. Société de consommation qui a exilé les individus à sa périphérie, télévision allumée comme un robinet d’eau tiède qui fuit, discours aliénant des familles qui cherchent pour leur progéniture une place convenable, c’est-à-dire quelque chose entre l’enlisement et la mort.
Pour expliquer d’abord la disparition de son mari et de son collègue, Susan Taylor et Rebecca Swift, chacune de son côté, évoquent « la poule « , » la voisine » venue s’installer dans l’appartement mitoyen des Taylor. Elle s’appelle Jennifer Wilson et toutes les nuits, elle jouit bruyamment. Une jouissance animale qui, à travers la cloison commune vient réveiller Richard et inquiéter Susan. Personne ne jouit comme ça, dans l’étouffement généralisé. Jennifer Wilson prendra au final la parole. Sa dernière phrase clôt le roman comme le ferait le couvercle d’un cercueil : « Mais dis-moi : ça te choque vraiment de savoir que je me masturbe ? »

La Disparition de Richard Taylor d’Arnaud Cathrine, Verticales, 194 pages, 17,50

Solitudes fêlées Par Thierry Guichard
Le Matricule des Anges n°81 , mars 2007.
LMDA papier n°81
6,50 
LMDA PDF n°81
4,00