Un éditeur

Fondeurs de briques

Tous les chemins mènent à l’édition. Originaire de la région parisienne, Jean-François Bourdic, 39 ans, a le goût du voyage. Au cours d’un séjour au Mexique, il découvre la plongée sous-marine, et l’enseignera pendant sept ans sur les récifs des tropiques, de la mer Rouge aux Caraïbes. « Un boulot superbe, mais usant. » Il revient en France le 20 avril 2002 « On a failli refaire nos valises le lendemain » pour créer sa propre librairie (après une expérience chez Fontaine, avant son périple). L’idée tombe à l’eau. Il rejoint alors la librairie Brentanos avant de suivre une formation d’éditeur au Cecofop de Nantes en 2004. Il fait ses armes chez Cénomane au Mans, puis a « l’opportunité » de suivre un stage chez Actes Sud. « Voyant que ça n’irait pas plus loin, j’ai lancé mon projet d’édition » en compagnie d’un ancien libraire, Vincent Mens, et d’une traductrice. Un coup de folie ? « Bon qu’à ça, comme dirait Beckett », rétorque Bourdic.
Le jeune éditeur vient de sortir ses deux premiers livres, au sein de la collection « Calaveras » (squelette en mexicain) : Le Zopilote et autres contes mexicains de Max Aub (1903-1972) et surtout À la recherche de B. Traven du Californien Jonah Raskin. On connaît l’année de décès de B. Traven (1969), moins ce qui précède. L’auteur du Vaisseau des morts reste une merveilleuse énigme. De l’Allemagne au Mexique où il vécut, celui qui défendait tant dans ses romans et ses nouvelles les sans-papiers, les opprimés, les Indiens esclaves ou les combattants de la guérilla, s’ingénia à brouiller les pistes, multipliant les identités et les pseudonymes. Publié aux États-Unis en 1980, le livre de Raskin est à la fois un essai et un récit de voyage haletant, suivant la trace de celui qui « rêvait d’utopie mais ne perdit jamais de vue l’enfer » et a toujours cherché « où se trouve le véritable pays des hommes. » Le culte de l’anonymat qu’entretenait ce révolutionnaire romantique continue de stimuler l’imagination des « travenologues ». Il aurait rencontré, dit-on, Freud à Vienne dans les années 20…
Max Aub et B. Traven donc, deux figures d’écrivains engagés, dont l’exil a marqué leurs livres. « Mon souhait est afficher des convictions politiques fortes, explique le co-fondateur des Fondeurs de briques, titre emprunté à la revue anarchiste créée en 1917 par B. Traven sous le nom de Ret Marut. Les convictions c’est ce qui nous reste face au rouleur-compresseur de l’économie. Le pessimisme de la raison et l’optimisme de la volonté… »
Grand lecteur de littérature américaine, et marqué par l’œuvre de Louis Calaferte, « un éternel révolté », Jean-François Bourdic entend publier « une littérature de témoignages face à l’époque », pas exclusivement hispanique, et « faire partager les rêves des autres ». Cet historien de formation, qui donne des cours particuliers de français dans la région d’Arles, travaille sur plusieurs projets : Le Navire continue sa route du Norvégien Nordahl Grieg (le neveu du compositeur),...