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Domaine étranger Lumières noires

mai 2007 | Le Matricule des Anges n°83 | par Delphine Descaves

Le poète italien Giuseppe Conte redonne du lustre au roman d’aventure avec une odyssée maritime et politique autour de la traite négrière.

De structure traditionnelle (un prologue, trois parties et un épilogue), Le Troisième Officier est d’abord un roman d’aventure, à lire comme tel. Le narrateur, un Morbihannais du nom de Yann Kerguennec, entame le récit de sa vie en 1848, au moment où une révolte secoue à nouveau la France, et retourne plusieurs décennies en arrière, en 1789. Agé alors d’à peine 15 ans, il s’était embarqué à Nantes sur un grand navire, Le Sainte-Anne, qui allait voguer vers les côtes africaines. En bon conteur, le romancier a installé sur cet immense édifice mobile une galerie de marins typés, sans oublier la touche d’érotisme apportée par une femme sensuelle et sa suivante, qui donnent lieu à quelques scènes tantôt sadiennes (quoique bien plus soft), tantôt proches du Bourgeon des Passagers du vent. Conte nous initie également à la complexité de ces embarcations, véritables micro-sociétés, masculines et machistes, qui mêlaient promiscuités, y compris sexuelle, et hiérarchie stricte, et où les intrigues, inimitiés et ragots occupaient les cœurs et les esprits autant que les caprices météorologiques. À cet égard le fonctionnement de ces bateaux nous rappelle ce que l’on raconte des univers pénitentiaires. D’ailleurs Le Sainte-Anne s’avère être un négrier, et le roman évolue alors vers une dimension dramatique, un affrontement de valeurs qui prend des formes morales et physiques, incarnées principalement par deux hommes : Floriano Di Santaflora, jeune homme qui exerce sur le narrateur une fascination quasi amoureuse, est un humaniste farouche, proche de l’esprit des Lumières et des Révolutionnaires, idéaliste pugnace. Beau personnage, tragique, il traîne après lui une faute, une tache indélébile qui ne sera révélée au lecteur qu’à la fin du livre. L’ Agent de la Compagnie de navigation Saint Michel dont dépend Le Sainte-Anne, surnommé « le chirurgien » est quant à lui un esclavagiste cruel et sadique, qui n’appelle jamais les Africains du village où il est installé que « les gros singes » et leur leader dans la contestation, « la bête meneuse ». Potentat odieux, il se révèle aussi bourreau, quand il punit pour l’exemple Aku, le chef de la rébellion. Le reste des prisonniers, dizaines d’hommes et de femme condamnés à remplir le négrier, s’entasse en attendant dans « la Baraque », « construction en bois d’une trentaine de mètres de long sur cinq ou six de large, et un peu plus d’un mètre de hauteur. Exactement. Vous avez bien compris. Le toit était à un peu plus d’un mètre du sol.(…) ça ne faisait même pas penser à une étable pour les chèvres. Plutôt à une cage pour serpents, pour crocodiles, peut-être. » Dans son acharnement à semer autour de lui destructions et souffrances, le chirurgien se heurte très vite à Floriano qui ose lui tenir tête et va dresser contre lui une partie de l’équipage.
Sur ce canevas romanesque classique d’opposition entre le Bien et le Mal, Giuseppe Conte tisse une trame dense, entre récit de voyage, dénonciation de l’esclavage et histoire d’une utopie. Il frôle à plusieurs reprises le pastiche et on se croirait souvent dans un authentique texte du XVIIIe siècle. On pense à Voltaire Yann est cependant un peu plus futé que Candide, sauf sur la question de la chair ou au Diderot du Voyage de Bougainville. Nul doute que Conte a éprouvé un plaisir contagieux à imiter ces illustres modèles. C’est pourquoi reprocher à ce roman son manque d’inventivité formelle ou son écriture relativement académique serait incongru : Le Troisième Officier doit se lire au premier degré, avec le plaisir de se laisser porter par l’intrigue bien ficelée, et de réfléchir, aussi, à cette grande entreprise de déshumanisation que fut l’esclavage, dont Conte décrit bien la barbarie. Voilà une histoire qu’on verrait bien portée à l’écran : c’est dire son sens du rythme et son efficacité narrative.

Le Troisième
Officier

Giuseppe Conte
Traduit de l’italien par Monique Bacelli
Éditions Laurence Teper
377 pages, 20

Lumières noires Par Delphine Descaves
Le Matricule des Anges n°83 , mai 2007.
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