Est-ce par ironie, est-ce par nostalgie, ou bien les deux ensemble, que Philippe Adam a choisi de mettre sous cloche quelques fragments épars d’une France d’autrefois ? Dans un élan de tendresse mi-figue mi-raisin, il nous en propose la visite guidée…
Les 71 textes numérotés de ce court livre sont ainsi composés comme les petits écriteaux explicatifs accrochés sur les murs des musées à côté des objets ou tableaux. Le ton des commentaires varie, de cynique (« 8. Pèlerins arrivant à pied, à cheval, en bus et en bandes, assiégeant l’office de tourisme et exigeant qu’on leur donne tout de suite le calendrier des miracles ») à sentimental (« 42. Pensionnat des jeunes filles de la Légion d’honneur, aux portes fermées sur tous les fantasmes »), mais toujours en finesse, et décalage oblige, lorsque l’on s’appelle Philippe Adam et que l’on a créé une Société des amis de Clémence Picot pour rendre hommage à Régis Jauffret. « 62. Ici s’élevait la guillotine. À deux pas, la prison. Et c’est bête, mais je n’ai rien à dire, pensait-il, la langue tirée sur la feuille où il était supposé noter ses dernières paroles. » On ressort un brin mélancolique et surtout amusé de ces pages qui sentent bon la France d’un temps où l’on fêtait les blés et les vins. C’est tout le plaisir des textes courts, et nul doute que l’auteur possède l’art de la formule, celui de poser en quelques phrases toute une ambiance : « 36. Ici furent extraits 12 kilos de canines, 50 kilos de molaires, 120 incisives et 3 mâchoires, preuve qu’il y avait en ces temps, en ces lieux ou au moins dans les parages, nombre d’êtres souffrants qui avaient trouvé là, avec le courage d’aller enfin chez le dentiste, le réconfort de savoir qu’ils n’auraient dorénavant plus jamais de dents. »
France audioguide de Philippe Adam Inventaire/Invention, 62 pages, 6 €
Poésie Douce France
juillet 2007 | Le Matricule des Anges n°85
| par
Lise Beninca
Un livre
Douce France
Par
Lise Beninca
Le Matricule des Anges n°85
, juillet 2007.