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Domaine étranger Au coeur du volcan

juillet 2007 | Le Matricule des Anges n°85 | par Lucie Clair

Plongée obscure dans le feu des magiciens pour le troisième ouvrage, en tourbillon d’étincelles, d’une grande auteur grecque encore peu connue en France.

La Mort en habits de fête

Les éléments terre, feu, eau, air viennent en soutien des grandes épreuves initiatiques. Les animaux aussi, les corneilles, « oiseaux noirs sur une branche qui charmaient l’esprit et le cœur fatigués » ou les « bêtes de somme, déjà épuisées par les privations et travaux quotidiens », tous ceux avec lesquels on peut entretenir « une communication de type archaïque, au-delà des conventions », et aussi les choses, tournoyantes et folles qui traversent les âges, ceux des hommes comme de l’Histoire, telles les toupies fabriquées par Anastàsis, matières en fusion, en révolte magmatique qui parsèment la route de La Mort en habits de fête, l’opus majeur de la littérature grecque contemporaine qui aborde nos rives avec son cortège de mythes et de présages. Initiation à la vie par la découverte de la mort, par la connaissance des mondes entre-deux, voile levé sur les mystères et la mystique des tourbillons refoulant les énergies ou les attirant selon celle déployée par le tour magique de l’initiateur, à l’instar des derviches tourneurs, ou du regard d’un jeune garçon porté à ces illuminations par la grâce ou la malédiction d’un éclair au cœur de l’orage.
C’est un jour de grande pluie sauvage jetant un rideau opaque sur la terre et le jeu des enfants sur la place d’un village entre Thessalonique et la frontière bulgare, dans la Grèce du Nord, âpre et caillouteuse, celle des origines de Zyrànna Zatèli, jour noir et argent plongeant femmes et gamins éperdus au cœur d’une « confusion (qui) n’évoquait rien de connu, sinon certains lieux de cauchemar, lointains, d’une incomparable grandeur, qu’on ne rencontre qu’en dormant, dans certains rêves, et l’idée nous vient du plus profond de nous-mêmes que cela doit ressembler à l’enfer en même temps qu’au paradis. » La grandeur est là, au fil des pages et du souffle retenu, expulsé en un vaste chant, en une voix pleinement maîtrisée et traduite à merveille par Michel Volkovitch voix des conteurs qui happe et laisse de côté le narrateur oublié, chant qui s’infiltre au creux des fibres du lecteur une voix unique et magnétique, qui donne le vertige et offre soudain des plages de repos par des dialogues vifs et décalés, dégustés comme autant de friandises. Une voix étrange qui nous conduit sur les traces du jeune Zàfos, enfant de 12 ans pris par l’orage en ce jour de « Saint-Pandeleìmon, thaumaturge et martyr » et mené plus loin encore par un homme qu’il nommera d’abord « l’inconnu », qui coiffe ses cheveux du geste familier qu’il connu à son aïeul, et fera tourner pour lui les toupies les plus étincelantes et désirables qu’il ait jamais vues, celles qui ouvrent les portes du temps, permettant de revenir auprès de sa mère Dafnì, morte près de huit mois auparavant, auprès de son grand-père Dàfkos le distrait, et tant d’autres morts revenus au clair du jour par la visite de deux compères dans un cimetière qui accueille un tournoi de lancer de toupie des plus improbables et émouvants.
Dans le même vortex, la matière et le temps s’envolent au fil des pages près de six cents qui se déroulent, tour à tour, torrent et fleuve paisible portant témoignage des générations oubliées et l’arbre généalogique en fin d’ouvrage n’est pas de trop, car on s’y perdrait parfois dans ces cousinages et vastes fratries, de ces enfants morts trop tôt, à l’aube de l’adolescence, des mères disparues et des pères en partie Héphaïstos la figure du forgeron est là, telle un repère aussi et en partie éternel jeune homme à se perdre « avec le loup pour complice », embrassant dans une même vision panoramique et détaillée la vie quotidienne d’une terre à la marge, avec une fougue qui rappelle celle qu’un Gabriel García Márquez. Car près de cette Mort en habits de fête rôdent les fantômes purs en miroir de ceux de Cent ans de solitude, et dans leur écriture règne une identique ambition réussie d’écrivain touchant le monde d’un doigt magique, et notre cœur par ses histoires poignantes. En narrer ici la fin serait impossible tant elle ne peut s’extraire de l’ensemble sans trahir car comment dire le passage du feu sans en révéler l’initiation ?
Dans une postface intitulée « Retour au Zateliland », Michel Volkovitch évoque cette femme étonnante, on la sait silencieuse et presque timide quand elle n’écrit pas portée par une « lumière diffuse baignant les scènes les plus sombres », une familière de Shakespeare et des « humains faits de la même étoffe que les songes », qui a reçu par deux fois le Grand Prix d’État dans son pays, pour cet ouvrage et son précédent, le très beau roman Le Crépuscule des loups (Seuil, 2001). Née en 1951 dans cette région qu’elle a choisie comme décor de ses écrits, Zyrànna Zatèli est un visage émouvant et une silhouette frêle, presque émaciée, qui partage sa vie entre la Grèce et Paris, propose des voyages impossibles à ses lecteurs et les rend heureux de suivre ce « regard si intense qu’il éclaire toute chose, qu’il décèle dans le moindre visage, le moindre objet un insecte mort, une toupie d’enfant des trésors cachés ».

Lucie Clair

La Mort en habits de fête
Zyrànna Zatéli
Traduit du grec par Michel Volkovitch
Seuil, 640 pages, 26

Au coeur du volcan Par Lucie Clair
Le Matricule des Anges n°85 , juillet 2007.
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