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Égarés, oubliés La comtesse qui se fit vieille

juillet 2007 | Le Matricule des Anges n°85 | par Éric Dussert

Aristocrate démunie, la comtesse Dash trouva dans la littérature et le journalisme des ressources essentielles : ses portraits et ses mémoires sont de précieux témoignages de sagesse, de douceur et de malice.

Le marketing des grands lessiviers a joué un vilain tour posthume à Gabrielle-Anne de Cisterne de Courtiras, vicomtesse de Poillow de Saint-Mars, en nommant Dash l’une de leur production vendue en poudre. Dorénavant Dash est une lessive. Lorsqu’en 1838, la gracieuse aristocrate opte pour ce pseudonyme, elle ne pouvait pas imaginer que le nom de son King-Charles, probablement aristocratique lui-même, deviendrait sujet à mercantile réclame… Mais c’est bien pour des raisons pécuniaires que la noble trentenaire, ayant subi divers déceptions et revers domestiques songea à trouver dans les travaux littéraires les ressources qui lui faisaient défaut.
Fille d’un directeur des Domaines qui fut en poste à Alexandrie, en Piémont et à Guéret, Gabrielle-Anne naquit à Poitiers en 1804, le jour d’une tempête terrible qui fit déborder le Clain de son lit et engloutit le faubourg en noyant plusieurs centaines de personnes. « Le général de Vitré, se souvient la comtesse Dash, me disait quand j’étais petite fille et qu’on riait des saillies de mon âge : « Il est mort tant d’imbéciles le jour de sa naissance que de tout cela, elle s’est composée de l’esprit » ». Cette sortie, qui témoigne de l’ambiance très « ancien régime » où baignait la fillette, laisse imaginer l’éducation qui fut la sienne. De fait, elle intégra le 20 juin 1811 le couvent des Dames de la Foi qu’elle quitta dix ans plus tard pour parfaire son éducation à Paris, auprès des meilleurs maîtres.
C’est en jeune femme accomplie qu’elle rentre à Poitiers où le vicomte de Saint-Mars, capitaine du 8e régiment de dragons lui fait la cour et lui demande sa main. Jeune, beau, riche, c’est un parti qui ne se refuse pas. « J’allais commencer cette vie étrange qui n’est pas sans charmes pour la jeunesse, si une position de fortune indépendante permet de se donner certaines aisances et de voyager agréablement. » Et la vie d’épouse de militaire suppose quelques déplacements de Nevers à Moulins, de Constance à la Suisse orientale, en passant par Neuf-Brisach… Les parents de la jeune femme se sont installés à Versailles où bals et fêtes se succèdent. Le couple rejoint également la France et Paris, après Colmar, Epinal et Vendôme. Dans la capitale, la jeune aristocrate court les théâtres et assiste à la première d’Hernani : « La salle comble jusqu’en haut murmurait comme une ruche pleine d’abeilles affairées. On voyait entrer et sortir les séïdes du poète, les romantiques enrégimentés, affublés de costumes incroyables et porteurs de figures à faire crier les petits enfants. » Elle n’est pas du côté des modernes.
La vie de garnison reprend, mais le couple se sépare et c’est à la littérature que la vicomtesse va demander de la nourrir. Patronnée tour à tour par Alexandre Dumas, qui l’embauche dans ses ateliers, et Roger de Beauvoir, la spirituelle jeune femme, bien élevée et prompte à la riposte, est remarquée. « Dans ce temps-là, écrivait Philibert Audebrand, Paris encore un peu romantique se passionnait volontiers pour les bas-bleus, quand la personne était jeune et élégante. » Et la comtesse Dash l’était, même si, par un tour de malice auctoriale, elle se faisait passait auprès de ses lecteurs pour une noble et sage octogénaire. Son ami le Bibliophile Jacob, qui se surnommait avec ironie « le petit vieux des lettres » n’usait pas d’un autre ressort.
Le premier livre de la comtesse Dash paraît en 1839, c’est Le Jeu de la Reine. Ces deux volumes plaisants qui rencontrent très rapidement une belle audience inaugurent une série de plus de quarante romans dont les sujets sont empruntés au grand monde et aux traditions d’ancien régime. Le succès de ses écrits, apparemment peu polémiques, lui ouvre des portes et c’est au journalisme qu’elle s’adonne en collaborant à la Revue de Paris, au Pastel, au Journal des Jeunes Personnes. En novembre 1853, elle participe au lancement du Mousquetaire. Journal de Monsieur d’Alexandre Dumas où, sous le pseudonyme de Marie Michon, elle est chargée de rendre compte de la vie du monde, du demi-monde, des soirées de concerts et de théâtre. L’aventure dure peu. C’est au Figaro que la comtesse Dash offre alors une collaboration plus fructueuse qui débouchera sur une double publication dont on peut, aujourd’hui encore, se régaler.
Il y a tout d’abord les six volumes des Mémoires des autres, par un accord conclu chez Albert Lacroix, l’éditeur des Misérables, le 6 juillet 1862, puis ses Portraits contemporains, fruit de la plume de son pseudonyme Jacques Reynaud qui signe entre 1859 et 1864 cinquante portraits. Mémoires et Portraits ne semblent pas écrits par la même main. En ouverture de ses mémoires, la comtesse Dash place cet avertissement : « Je suis peu de chose par moi-même. Aussi je parlerai très peu de moi. Ce sont les autres dont je m’occupe. Ce sont les gens célèbres que j’ai connus. Je le ferai sans fiel et sans scandale. Je vénère le passé, je lui reste fidèle : j’ai le culte des souvenirs et celui des regrets. » Mais sous le pseudonyme masculin, elle croque magistralement, et avec beaucoup d’esprit, quelques célébrités qu’une femme n’eût pu peindre si… nettement. En témoigne ce malicieux commentaire sur Émile de Girardin : « En amour, sa causerie est comme ses articles, par alinéas. Il a mille prétextes pour passer à la ligne : un cheval qui galope, un oiseau qui chante, un pavillon qui vole : il tire parti de tout. »
La comtesse Dash fit son ultime révérence le 9 septembre 1872 à Paris à l’âge de 69 ans, la même année que Théophile Gautier, qui fut le dernier de ses « portraicturés ».

La comtesse qui se fit vieille Par Éric Dussert
Le Matricule des Anges n°85 , juillet 2007.
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