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Vu à la télévision Rhabille-toi, voyons

octobre 2007 | Le Matricule des Anges n°87 | par François Salvaing

Laura est toute seule, désormais. En plein désert, en plein western. Ses compagnons de chariot ? Tués. Ou hors de combat, pieds et poings liés. Seule donc avec les assaillants, des salopards qui vendent de tout aux Comanches, même des blanches encore pourvues de leur pucelage. Seule sous sa robe devant ces trognes qu’à vue d’œil la libido ravage. Laura recule, se met à courir. En vain, bien sûr. La voilà cerclée de pattes avides, cul nu. Mais le chef des salopards hurle au respect de la marchandise : l’Indien ne paiera que pour une pucelle. Là-dessus survient le Sauveur, alias Josey Wales, alias Clint Eastwood, un très chique type : il crache toujours, avant de dégainer, un jus très noir, prémonitoire. Tous en selle, les salopards déguerpissent. Leur chef, de son cheval, lance à la pauvrette décarpillée dans la poussière cette réplique d’anthologie :

 Rhabille-toi, voyons !

Quelqu’un, quelque part, à Paris ou à Washington, tient-il le compte des pilules d’Etats-Unis d’Amérique que j’ingurgite quotidiennement devant ma télé ? Certains jours le vertige me prend. Entre les journaux, les magazines, les films, les séries (et maintenant leurs clones made in France), les jeux (et depuis longtemps leurs clones made in France), les émissions-palmarès (« Le décès tragique de River Phoenix occupe la 75e place de notre classement Dérapages de stars »), j’en sais au moins autant sur le Bronx et le Minnesota que sur Villejuif et le Morbihan, ou sur la Maison Blanche que sur l’Elysée. Et - tiens ! - de j’en sais à j’en suis, une seule lettre d’écart.

Cela posé, le cinéaste Eastwood n’est pas la pire de mes fréquentations télévisuelles, loin de là. Souvent, par un angle ou un autre, il interroge la notion de nation, s’agissant de la sienne, étatsunienne. Par exemple dans ce Josey Wales, hors-la-loi (1976) on assiste à la cérémonie au cours de laquelle des Sudistes vaincus rendent leurs armes et prêtent serment au drapeau de leurs compatriotes et vainqueurs. Cérémonie fondatrice, mais dont le socle, l’humiliation, est si peu oublié qu’il faut, cent cinquante ans après, sans cesse la répéter et la multiplier, en exigeant à tous les coins de rue, de vitrine, de stade, de tribune, de tribunal et de film, jusqu’à l’asphyxie, l’allégeance au drapeau fédéral.

Et la honte de s’être entretués, l’existence (ou le mirage) d’un ennemi étranger semble seule en mesure de l’effacer. Ces temps-ci, nul ne l’ignore, le terrorisme tient le rôle. « Nous sommes en guerre » confie avec une tristesse gourmande, Ray Kelly, qui dirige au sein de la police new-yorkaise la section anti-terroriste, 3 500 personnes. Pléthorique effectif municipal né du 11 septembre, au motif que les structures d’Etat, FBI et la CIA, auraient failli, Ground Zero en fume encore. Avec ses 75 voitures-commando, la force Hercule, crème de la section, à la moindre esquisse d’ombre d’alerte, sirènes hurlantes, prend d’assaut un bâtiment, une rue, un quartier. Casques lourds, grenades et fusils-mitrailleurs, son équipement reproduit celui des forces d’intervention américaines sur leurs théâtres étrangers. Bagdad, comme si vous y étiez. Ray Kelly, ancien marine, transpire la nostalgie et définit l’objectif : « Dissuader ». Qui ? Pour commencer, les New-Yorkais originaires du Moyen-Orient, sans cesse interpellés, contrôlés, profilés. Dans les secteurs où ils logent, tous les cinquante mètres, on a planté un drapeau américain. Ray Kelly gratte sa lyre : « Nos yeux et nos oreilles, c’est le public. » Quelque 3 000 caméras aussi et une trentaine d’hélicoptères, plus d’honorables correspondants de NYPD dans des pays sensibles, à Toronto, Singapour, Amman, Lyon… C’est, à son avis, beaucoup trop peu. Ray Kelly égrène, la voix terne, les revendications de sa police municipale. Résumons : étendre ses tentacules à la fois dans l’espace du monde et dans l’intimité des êtres.

Combien de New-Yorkais parmi les sectateurs du Burning man (L’Homme qui brûle) ? On n’a pas les statistiques, mais on pariera que sont presque tous urbains, le reste de l’année, ces hommes et ces femmes qui, à la fin de l’été, convergent pour bâtir en plein Nevada (à l’endroit même, qui sait, où Laura sauva sa vertu), pour une semaine et 3 000 euros tête, une cité qui se veut sans tabou ni complexe ni eau ni électricité. Brassage d’extravagances, libertaire bacchanale, festin nu. Un habitué venu de France parle de magie, de fusion. « On sort de la société de consommation ». Entracte au désert, qui dénonce et absout à la fois le vide ambiant.

Rhabille-toi, voyons Par François Salvaing
Le Matricule des Anges n°87 , octobre 2007.
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