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Jeunesse Un cri pour ma mère

janvier 2008 | Le Matricule des Anges n°89 | par Malika Person

Le dramaturge et romancier libanais Wajdi Mouawad retourne les mots pour révéler la renaissance de son héros.

Un obus dans le coeur

Par un hiver rigoureux, un jeune homme de 19 ans, d’origine libanaise, se rend en bus au chevet de sa mère agonisante dans un hôpital de Québec. Ce court texte décrit simultanément le voyage de Wahab et le processus mental, les méandres, les chemins tortueux qu’emprunte sa raison pour pallier, devine-t-on de prime abord, l’affleurement de son inévitable et abyssale douleur à venir.
Le récit, une adaptation pour le théâtre du premier roman de l’auteur, Visage retrouvé (Leméac/Actes Sud, 2002), porte une puissance singulière qui lui confère un caractère inattendu. Toute notion d’espace et de temps est brouillée tantôt par les réminiscences d’une enfance au Liban, tantôt par le présent au Canada. Ces allers-retours incessants sont sans repères chronologiques aucuns. Il ne s’agit pas de chaos proprement dit, mais, pour reprendre un terme de physique, d’une tentative de mise en gravitation face au tumulte de la vie. Ainsi, Wajdi Mouawad mène cette histoire à forte connotation biographique, vers une issue d’apaisement possible même si l’auteur fait progresser son récit vers une inévitable collision où les mots aux formes régressives ne font plus que désigner le langage obscène du corps face à l’insondable.
La voix de Wahab porte le verbe, du moins ce qu’il en reste à ce moment de son existence. Dans un langage souvent heurté, parfois violent, en arabe, en québécois et en français, il crache, déverse ses litanies sur le monde et le genre humain en particulier. « Va te faire foutre, gros tabarnac d’enfoiré de merde akhou charmouta ! » Cette torsion du langage dans les trois langues « maternelle, adolescente et celle de maintenant » traduit l’intensité de la peur qui taraude Wahab. Le silence surtout, face aux morts de la guerre civile au Liban qui le hantent et face à sa mère mourante.
Des mots jaillissent comme autant de cris, de courtes phrases affluent et se télescopent pour faire place à un passé trop longtemps refoulé. La mémoire est libérée, les loups sont lâchés. En quelques heures de temps, le jeune homme fait un retour complet sur lui-même, sans échappatoire possible. La mort guette. Wahab se débat entre cauchemars éveillés, fantasmes et réalité. « Je regarde le ventre de ma mère, son ventre qui s’étire et se détend pour les toutes dernières fois de sa courte existence. (…) Il n’y a pas si longtemps j’y étais (…) et parce que j’ai connu ses entrailles, pour un instant, je deviens frère de l’agonie. »
Le fils au chevet de sa mère, scrute, détaille le comportement de sa famille présente, ne se privant pas de la juger à l’emporte-pièce. Sa tante surtout, « l’autre grosse truie hurle sans cesse (…). La grosse meugle. » L’effet loupe du regard du jeune héros sur le monde qui l’entoure amplifie la portée des mots en forçant le trait grossier, incisif ou encore terrifiant. Car Wahab a ses démons réels ou virtuels et il redoute de les affronter. Son monde intérieur est kafkaïen.
Il revoit très précisément l’attentat auquel il a assisté, enfant ; il revoit son jeune copain dans l’autobus qui « flambe », la dislocation des corps et aussi, une inquiétante femme aux membres de bois qui lui est apparue à ce moment-là, représentant la mort le menaçant de venir le chercher aussi un jour prochain et qui le hante encore. « Qui est-elle ? Il n’y a plus rien, plus de beauté, plus de beauté. » Même le visage de sa mère lui apparaît changé. Wahab ne le reconnaît plus. « Elle a un visage pâle, des yeux délavés », incarnation du souvenir d’une autre vie, de la vie « d’avant ».

Un obus
dans le cœur

Wajdi Mouawad
Lemeac/Actes Sud junior, « D’une seule voix »
72 pages, 7,80

Un cri pour ma mère Par Malika Person
Le Matricule des Anges n°89 , janvier 2008.