Un ciel bas, des « alignements interminables de maisons mitoyennes », des jardinets mal entretenus, l’Angleterre des banlieues pavillonnaires, image de ces existences ternes qu’un rien pourrait faire basculer dans la pauvreté et la misère. C’est là que vit « Tyler la cloche » comme l’ont surnommé ses collègues. Un modeste flic sans ambition, un brave type, mais comme pour beaucoup, cela « cloche » un peu : des relations difficiles avec sa compagne Sue et sa fille Emma dont il a eu du mal à accepter le handicap. La mission lui est confiée de veiller à la morgue le cadavre de la femme dont les agissements avaient horrifié l’Angleterre dans les années 60. Elle enlevait des enfants qu’elle offrait à son amant pédophile. Passer douze heures à proximité de « l’incarnation du mal » même si elle n’est plus qu’un cadavre bouclé dans un frigo va se révéler pour Billy Tyler terriblement éprouvant. Emmuré, prisonnier d’une confrontation à laquelle il ne peut échapper il est très vite saisi d’un véritable effroi, effroi d’un face à face avec le plus sombre de son être. Policier de lui-même, il fait l’inventaire de sa propre violence. De son étrange dialogue avec le fantôme de l’odieuse tueuse, il tire de terribles conclusions : l’écart qui nous sépare de l’abomination est très fragile, « Qui sait vraiment jusqu’où pourrions nous aller… suivant les circonstances ? »
L’écrivain anglais Rupert Thomson a osé s’aventurer sur le thème délicat de l’enfance, au regard des pulsions humaines les plus noires. Le résultat est un roman troublant à la fragile frontière de cette zone limite où l’abjection peut jaillir de la quête d’une improbable pureté.
Mort d’une tueuse de Rupert Thomson
Traduit de l’anglais par Bernard Turle, Éditions Philippe Rey, 272 pages, 19 €
Domaine étranger Les démons de Billy
février 2008 | Le Matricule des Anges n°90
| par
Yves Le Gall
Un livre
Les démons de Billy
Par
Yves Le Gall
Le Matricule des Anges n°90
, février 2008.