Le narrateur et héros - Luc Dellisse lui-même, nous dit-il ou nous fait-il croire - raconte les dessous d’une Belgique particulièrement avariée. Après avoir effectué des missions culturelles plus ou moins pittoresques, notamment en Chine ou pour le « concours oenologique international de Tunis », notre personnage est embarqué dans de sombres histoires de dossiers interdits et de trésor caché. Progressivement il s’aperçoit qu’il est mêlé à une affaire d’État, via celui dont il est le collaborateur quelque peu fasciné, Albert Montalban, le directeur de cabinet du ministre de la Culture. Bonhomme complexe - « il y avait un Montalban de jour et un Montalban de nuit. Ces deux hommes ne communiquaient pas entre eux. Et s’il leur arrivait de se croiser devant le grand miroir du hall, leur reflet ne se saluait pas » - il entraîne à sa suite le narrateur, ne laissant guère à celui-ci le choix de refuser. Dellisse emprunte au polar un certain nombre de motifs - un meurtre, un peu de sexe, des relations viriles, des personnages hauts en couleur et une intrigue bien entortillée. Mais c’est surtout l’écriture qui rattache ce Testament belge au roman noir : verbeuse, émaillée d’humour caustique et de dialogues, elle laisse libre cours à sa verve. Trop parfois, et on peut s’en trouver un peu étourdi, agacé, plus très sûr de comprendre les faits. C’est en tout cas quand le récit flirte avec la parodie, peignant des « demi-confidences dans le clair-obscur du cabinet, derrière l’écran d’un cigare » ou que le portrait de la Belgique contemporaine se fait charge, pointant la délétère rivalité entre Flandres et Wallonie, qu’il devient drôle et efficace. Et si Dellisse affirme avoir glissé les « éléments impurs » de la réalité dans son texte bigarré, on n’est pas obligé de le croire entièrement.
Le Testament belge de Luc Dellisse
Les Impressions nouvelles, 281 pages, 19 €
Domaine français Belgique canaille
juin 2008 | Le Matricule des Anges n°94
| par
Delphine Descaves
Un livre
Belgique canaille
Par
Delphine Descaves
Le Matricule des Anges n°94
, juin 2008.