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Domaine français Histoire d’une libération

juin 2008 | Le Matricule des Anges n°94 | par Virginie Mailles Viard

Claude Lucas, écrivain et ex-prisonnier, nous livre dans ce beau recueil épistolaire la « part immergée » de son être. Rencontre inoubliable avec un homme, une femme, des prisons, une île.

La Pénitentiaire, il l’a longuement fréquentée, Claude Lucas. Entre la France et l’Espagne, elle lui prendra vingt ans de son existence. La correspondance publiée dans Amor Mío couvre six années dans les geôles espagnoles, de 1989 à 1994. Mais cette détention-là va transformer pour toujours la vie de ce braqueur solitaire.
Pour l’instant, à l’aube de se jeter farouchement dans l’écriture, Lucas est un homme seul, sans femme ni enfant, sans horizon. « Et le même temps qui s’éternise. Même misère et même mort. » Cette réclusion qui aurait pu signer sa fin (se profilaient de longues années de détention), deviendra le commencement de sa vie d’écrivain, et le lieu de sa rencontre avec Hélène. Intimement convaincu que sa survie réside dans l’accomplissement d’une œuvre, Claude Lucas décide d’écrire un roman. Deux formes d’autobiographies prennent ici leurs racines : son premier roman Suerte, l’exclusion volontaire, entièrement écrit derrière les murs, comme il l’explique dans Amor mío « c’est un vrai corps à corps pour venir à bout d’un paragraphe un peu cohérent. (…) c’est la conséquence de la monotonie. Il ne se passe rien, les jours s’écoulent, incolores ». Il paraîtra en 1996, aux éditions Terres Humaines. Il sera salué par la critique. La captivité en Andalousie ouvre dans le même temps la longue correspondance que l’auteur va entretenir avec celle qui deviendra sa femme, celle qui « me réveille d’entre les morts un peu plus chaque jour ».
Oui, elle arrive la belle Hélène, et ce n’est pas elle cette fois que l’on ravit, c’est elle qui l’enlève. Merveilleux cheval de Troie fendant en douceur la lourde carapace. « Je crois que le seul intérêt du braquage (…) était de secouer la torpeur dans laquelle je m’enlisais, de me prouver que j’existais encore, que je n’étais pas un fantôme. » Après le suicide de ses parents, qui ne pouvaient s’unir dans la Bretagne catholique des années 40, il dira de lui qu’il est « un enfant de l’amour et de l’asphyxie ».
Ce recueil chronologique qui réunit uniquement ses lettres à lui, voit sourdre missive après missive, le rythme de la vie, qui comme une pendule arrêtée reprendrait les battements des à-coups du temps. « Je t’ai déjà donné à connaître mon néant, disais-je, car c’est par là qu’il faut commencer, et avec moi on ne peut commencer que par là. C’est à prendre ou à laisser. » Chaque mois, six années durant, elle traversera l’Espagne de long en large jusqu’à Séville, Algésiras, le long du détroit de Gibraltar, Alméria, puis Daroca, qui leur offrira une « respiration » géographique. Elle parcourt des centaines de kilomètres pour des vis-à-vis de quelques heures, et concrétiser enfin par « son corps de printemps » cette réalité abstraite de l’écriture. « (…)je te vois tout à coup comme une apparition dans le couloir du vis-à-vis, adossée au mur, mains dans les poches, un sourire aux lèvres quand s’ouvre la porte de fer. » (En Espagne, les détenus peuvent recevoir leur famille dans un lieu qui préserve leur intimité, et les échanges épistolaires ne sont pas ouverts, contrairement à la France.)
De lettre en lettre, il s’effeuille, et apprend à l’aimer, à se laisser aimer surtout. « Je me garde toujours une porte pour foutre le camp, celle que j’ouvrirai silencieusement quand je lirai dans ton regard l’ombre triste de la déception, et je la guette, je la guette cette ombre… » Mille manières il a de lui dire son amour indéfectible. Qu’elle doute de ce temps vide, de leur absence réciproque, et il repart à l’assaut. « L’aventure nous attend, les alizés et les îles lointaines, même si nos voiles pendent tristement pour l’instant. » Il la tient là, de cette plume si douce, si convaincante. Il sait les difficultés qui ne leur appartiennent pas, celles nées de la prison, de leur éloignement, « il s’agit d’un temps qui nous sépare dans l’espace, un temps dénaturé, dénaturant ». Et la correspondance s’élance, et il la serre, l’enserre, la soutient, pendant qu’elle si présente, le suit. « (…) rapproche-moi de toi, rapproche-moi un peu, plus tu es loin de moi plus j’ai froid, plus il fait sombre. » Lettre pour lettre, de vis-à-vis en vis-à-vis, quelque chose d’unique et de puissant se construit. Et ces deux-là on les veut ensemble, enfin réunis, parce que ce serait la preuve que l’espoir et l’amour ont un sens. Celui de retrouver le chemin de ce que l’on est. Claude et Hélène Lucas partagent maintenant chaque jour sur l’île d’Ouessant.

Amor mío Lettres de prison
Claude Lucas
Éditions Jacqueline Chambon, 271 pages, 20

Histoire d’une libération Par Virginie Mailles Viard
Le Matricule des Anges n°94 , juin 2008.
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