À ceux qui prétendent l’écriture dramatique exigeante, Philippe Djian vient apporter
un démenti flagrant. Auteur en série des Doggy bag et de nombreux romans dont un certain 37°2 le matin, parolier de Stephan Eicher et de Johnny, le voilà publié aux éditions de l’Arche, avec sa première pièce, Lui. L’histoire tient dans un schéma à l’efficacité terrifiante. « Lui » est le genre « homme séduisant », un brin salaud, qui voit apparaître successivement dans son salon les trois figures d’un triangle féminin lourdement érotisé, chacune entrant en rivalité pour obtenir ses faveurs ou sa reddition.
Il y a d’abord Elsie, la seconde épouse « en tenue d’infirmière » et au registre possessif permanent. Puis Nicole, l’épouse torride de jadis avec laquelle « il y a eu beaucoup de sexe / trop ». Nicole a payé un peu cher son sex-appeal débordant puisqu’elle a été violée un soir sous les yeux de « lui » par des amis de ce dernier, tandis que celui-ci avait bu. Enfin, il y a Sylvie, la jeune voisine de « Lui », un peu amoureuse, qui passe de temps en temps en petite culotte pour changer une ampoule. Désinvolture dangereuse, qui pourrait lui faire subir le même sort que Nicole…
Le triangle féminin posé, ne reste à Philippe Djian que d’en occuper le centre avec ce « lui », personnage masculin d’une inconsistance grandiloquente. Optant pour l’introspection, la pièce fouille les tréfonds de l’âme de cet homme pris dans les rets du souvenir de trois sirènes aux visages changeants et dont les traits semblent parfois se superposer. Car Philippe Djian ne se veut pas seulement psychologue, il tente aussi d’être moderne. Souvent pour le pire : entre le drame d’un viol et la comédie de boulevard, Lui navigue à vue entre l’invraisemblable et le cliché. Rendant le tout aussi piquant que vain.
Lui de Philippe Djian, L’Arche, 91 pages, 11 €
Théâtre Triangle écorné
juin 2008 | Le Matricule des Anges n°94
| par
Etienne Leterrier-Grimal
Un livre
Triangle écorné
Par
Etienne Leterrier-Grimal
Le Matricule des Anges n°94
, juin 2008.