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Égarés, oubliés Le père La Malice

septembre 2008 | Le Matricule des Anges n°96 | par Éric Dussert

Jacques Yonnet fut un personnage à facettes. Dessinateur, résistant et marionnettiste, son parcours réclame des éclaircissements.

Avec son mètre soixante, Jacques Yonnet n’avait pas la stature d’une forte tête, et quoique beau gosse, il n’imprima pas son image sur les photos de groupe notoires de son époque. Malgré l’amitié de Robert Doisneau qui laissa de lui quelques clichés malheureusement peu diffusés. Pour l’essentiel, c’est Rue des maléfices, son grand livre - livre-culte s’il en est - qui maintient son souvenir, alors que son œuvre protéïforme aurait pu lui assurer une postérité singulière.
Né le 22 juin 1915 à Paris, fils de libraire banlieusard, Jacques Yonnet était, avec ses cadets Robert Giraud ou Jean-Paul Clébert, d’une génération qui traversa la guerre tant bien que mal et en resta convaincue qu’il était urgent de profiter de la vie. Et apparemment Jacques Yonnet était d’un tempérament très rieur, très désinvolte et parfaitement velléitaire (il devait signer le texte d’un album de photos de Doisneau, fameux honneur qui revint à son complice Giraud) pour s’arranger avec ce credo sans souci. Et rieur n’est pas le mot peut-être. Les lecteurs de l’Encyclopédie des farces et attrapes se souviennent sans doute de l’affaire des « Enfants rouges », durant laquelle, en pleine Guerre froide, il avait persuadé le Tout-Paris que le Parti communiste avait embrigadé des enfants à des fins insurrectionnelles… Plus discrètement, il avait aussi prévenu les usagers des Bains-Douches municipaux qu’ils risquaient la suffocation s’ils maintenaient la tête sous l’eau - les employés mirent plusieurs mois à s’apercevoir de son canular par affichettes… Mieux encore, durant l’Occupation, des amis l’avaient surpris traversant Paris en pleine nuit, malgré le couvre-feu, au volant d’un engin de chantier volé au nez et à la barbe des troupes allemandes.
Il fallait assurément du cran pour jouer ce genre de blague gratuite d’autant que Jacques Yonnet, coiffeur pour dames du XVIe arrondissement dans le civil (entre 1934 et 1936), avait quelques raisons de ne pas se faire remarquer. Comme le rappelle la chronique résistante, après avoir été fait prisonnier en juin 1940 à Boult-sur-Suippe, il avait échappé à ses gardiens et rejoint un groupe de résistants parisiens et fut près d’y laisser sa peau. C’est ce qu’il raconte à demi-mot dans Rue des maléfices (Denoël 1954 sous le titre d’Enchantements sur Paris) ou dans Le Cabaret des inconnus (Colbert, 1945) fourmillant de V-men et de W-men (agents doubles et triples). Le 4 juin 1944, flairant le gestapiste, il démasqua un agent pro-allemand qui l’avait visité dans sa mansarde sous le prétexte de rejoindre son réseau, qui était aussi celui de Pierre Béarn. Après avoir exécuté l’homme, il parvint à faire disparaître son corps. Ce coup magistral lui valut la croix de guerre accordée par Juin lui-même le 18 novembre 1945. Un peu plus tard, le « capitaine » Yonnet participait encore à l’arrestation du docteur Petiot, célèbre assassin et faux résistant qui siégeait impunément au tribunal militaire de Reuilly, en le provoquant par voie de presse : Petiot s’y laissa prendre et y perdit la tête. Il aurait dû se méfier de Jacques Yonnet, expert en manipulations et en mystère.
Si la guerre fut jusqu’alors sa grande affaire, d’autres activités l’attendaient la paix revenue. Installé dans une petite boutique qui jouxtait au 17, rue des Ecoles le magasin de fourrures de son épouse Titine (Léa Sarabski), Yonnet prit la plume et les pinceaux : poèmes, romans, peintures, pièces pour marionnettes, marionnettes elles-mêmes et BD furent à partir des années 1942-1943 les fruits de sa créativité. Si ses polars publiés sous divers pseudonymes restent encore inconnus, ses histoires de résistance (Frise-Poulet dans le maquis) et ses pièces pour Guignol ne sont pas passées inaperçues. Par mégarde ses poèmes et ses chroniques n’ont pas encore connu la réédition. Il a échappé à tous que L’Auvergnat de Paris, sacré canard d’une époque révolue, contenait des articles signés Yonnet qui furent à l’origine de son chef-d’œuvre. On y croisait déjà coquillards et manouches, sorcières de ville, cloches, chiffonniers et bignoles poissardes. Une Cour des miracles à deux pas de la Maube. Or, comme Léon-Paul Fargue, Yonnet ne se limita pas à son quartier et fit visite aux vingt arrondissements de Paris. Pour L’Auvergnat, il avait mission d’explorer (à fond) chacun des « Bois et Charbon » tenus par des bougnats. On comprend qu’il fut lié d’amitié avec Fombeure, Giraud, Prévert, Queneau et Béalu dont les préoccupations étaient similaires en matière de « lieux abreuvatoires ». Reste qu’avec Yonnet, homme papillon, il nous reste toujours à l’esprit ce soupçon qu’il a crypté ses messages. Des historiens de la résistance en sont toujours à analyser les doubles fonds de la Rue des maléfices où ce malicieux n’a pas raconté que des anecdotes couleur magie noire sur « les courants mystérieux qui font palpiter la ville ». Son dernier tour ? Jacques Yonnet est mort en août 1975 sans laisser la moindre piste.

Le père La Malice Par Éric Dussert
Le Matricule des Anges n°96 , septembre 2008.
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