En regroupant ces quatre textes sans cohérence chronologique (1954, 1987, 1978, 1969), dont on ne sait d’ailleurs pas s’ils constituaient, à l’origine, un seul volume, les éditions Tarabuste s’adressent manifestement aux inconditionnels de Calaferte, et à eux seuls. Les autres resteront sans regrets sur l’image du mystique sensualiste, du chrétien révolutionnaire exalté et provocateur, et s’épargneront cet opus satellitaire, ni carnet, ni roman, qui se signale surtout par une aigreur parfois insupportable. C’est un livre sans joie ; un assemblage qui n’a pas la fougue ni la tension nerveuse des Carnets, ni cet éclatement formel qui en fait de la poésie vivante, violente. Les trois premières parties, consacrées au voyage, ne ménagent rien ni personne. Pompeusement intitulé « Suite française », un périple de trois jours, entrepris en référence aux errances stendhaliennes (ô combien plus fructueuses), mène Calaferte de Clermont-Ferrand à Albi ; c’est dire si l’homme ressent l’appel du large… Même si l’on déplore parfois le ton geignard du sédentaire malgré lui, perpétuel insatisfait des literies d’hôtels, les grandes claques misanthropiques qu’il assène à ses concitoyens ont toujours autant de saveur : « Le monsieur aux escargots a une figure fort antipathique de jouisseur à froid », dit-il à propos d’un homme qu’il ne fait qu’apercevoir dans un restaurant de Rocamadour. C’est cette tendance abrupte au mépris, apanage pittoresque des vrais pessimistes, qui lui permet souvent de trouver les bons raccourcis descriptifs, toujours dans le registre cinglant (« Le Clermontois est à l’image de sa cathédrale : de façade rebutante »).
Le dernier fragment, « Débuts à Paris », est un monologue misérabiliste qui relate l’arrivée de Calaferte adolescent dans la capitale, et l’échec de ses ambitions théâtrales. Sans prétendre à la brillance narrative du Requiem des innocents, chef-d’œuvre monstrueux inspiré de son enfance provinciale, affreuse, sale et méchante, ce texte livre au compte-gouttes quelques clés autobiographiques noyées dans le fiel et la hargne, et que les connaisseurs apprécieront pour leur justesse impitoyable. « J’ai été longtemps sans prêter attention à autrui. Non par égoïsme ; par manque d’intérêt. » CQFD.
KM. 500
de LOUIS CALAFERTE
Tarabuste, 165 pages, 13 €
Domaine français Km 500
janvier 2009 | Le Matricule des Anges n°99
| par
Camille Decisier
Un livre
Km 500
Par
Camille Decisier
Le Matricule des Anges n°99
, janvier 2009.