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Domaine étranger Un affreux malentendu

février 2009 | Le Matricule des Anges n°100 | par Lucie Clair

Des premières heures du christianisme, Pär Lagerkvist avait extrait l’intensité des limites auxquelles l’Humanité ne cesse de se heurter.

Que reste-t-il pour destin quand il s’infléchit in extremis par une grâce prononcée au dépens d’un autre ? Quand la vie sauvée est au prix de devoir porter cette mort en soi, de le voir porter sa croix - sans qu’il puisse s’en dégager un sens ? Barabbas, étourdi d’être libéré par la voix du peuple en application de la coutume juive rétablie par Ponce Pilate en cette Pâques, est là, sur le mont Golgotha, à observer presque malgré lui cet homme décharné, Jésus crucifié à sa place, dans l’indifférence des soldats romains - et croise le regard lourd de reproche d’une mère dont le « visage rude et basané ne semblait pas capable d’exprimer le chagrin, mais seulement qu’elle ne pouvait s’expliquer ce qui s’était passé et ne pourrait jamais le pardonner ». Par ce portrait d’une Marie terrienne, réaliste, bien éloignée de l’iconographie des Pieta aux douleurs ravissantes ou extatiques, comme par le choix de suivre les pas de Barabbas, personnage au rôle imprécis, séditieux contre l’autorité d’occupation romaine ou bandit selon Saint Jean - et c’est le titre que lui retient l’auteur - Pär Lagerkvist (1891-1974) signait un chef-d’œuvre de justesse, un an avant de recevoir le Nobel.
C’était en 1950, l’Europe conservait à vif les plaies qu’elle s’était infligées, et les spectres que Lagerkvist avait combattus à toute force - Le Bourreau (1933), Le Nain (1944) - laissaient tant de traces derrière eux que l’espoir n’était plus qu’une faible lueur. Barabbas, à plus d’un titre, est indissociable des temps sombres que peut traverser l’Humanité - et, ce qui rend cette réédition encore plus nécessaire, notre époque reste la triste héritière à bien des égards de ce qui l’a précédée. Aujourd’hui encore, perdure l’attente d’ « une ère nouvelle, l’ère du bonheur » - en écho à la part secrète à laquelle chaque être aspire, de toutes ses cellules, de toute sa nécessité, celle qui poursuit chacun de nous, et qui l’accroche à la vie.
Un récit qui offre l’essentiel de la nature humaine
Ère annoncée par un homme porté pour Lagerkvist par un message de douceur et de tolérance, et qui sera bien peu entendu - bien moins ancré dans les mémoires que les rêves éveillés, les rumeurs colportées, matériau que Barabbas tente de recueillir, pour faire face à ce mystère d’une mort dont l’absurde ne cesse de le tenailler, lui le survivant, le si peu méritant. Voleur et assassin, Barabbas ne peut se résoudre à ce qu’ « il était décrété qu’il devait souffrir tout cela, bien qu’innocent, oui, voire même descendre dans le royaume des ombres, par amour pour nous ».
Dans sa quête presque instinctive de vérité, le bandit se heurte à l’égarement, la suspicion, le désarroi qui rend agressif, le repli hautain des premiers disciples chrétiens. Errance des cœurs après la mort du « maître », où se révèle l’humain laissé à lui-même, leur libre-arbitre blackboulé par la tension entre croyances et pulsions, seuls, infiniment - tout autant que l’homme sur sa croix. L’hermétisme de la parole mystique, de cet « aimez-vous les uns les autres » improbable mais promesse d’une aube nouvelle, ne peut être compris qu’avec le temps, la patience, le recueillement. Adoptée comme un talisman, elle ne produira que malheurs et déconvenues. La fin de Barabbas est poignante.
De son enfance austère scandée par la lecture de la Bible dans une petite ville du sud de la Suède, et, s’appuyant sur un héritage spirituel qu’il a su critiquer sans le renier, Pär Lagerkvist offre en ce court récit l’essentiel de la nature humaine - et de sa terrible capacité à mal comprendre ce qui l’enjoint à se libérer, quand la félicité pourtant est à sa portée.

Barabbas de Pär Lagerkvist
Traduit du suédois par Marguerite Gay et Gerd de Mautort, Stock, 162 pages, 17

Un affreux malentendu Par Lucie Clair
Le Matricule des Anges n°100 , février 2009.
LMDA PDF n°100
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