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Poésie Meister, à temps…

février 2009 | Le Matricule des Anges n°100 | par Emmanuel Laugier

Deux livres donnent à nouveau à entendre la « grammaire poétique » de l’écrivain allemand, un sillon de voix entre Hölderlin et Celan.

Ernst Meister, traduit en France dès la fin des années 50, n’a jamais eu la reconnaissance de Paul Celan (son cadet de neuf ans), bien qu’il se sentit très proche de son œuvre. Sans doute même en a-t-il été, rétroactivement, l’un des héritiers, celui qui en partagea et en continua les explorations et les inquiétudes. Parce que les livres de Celan synthétisaient pour lui la concrétion violente et complexe d’une langue (l’allemand) qu’il fallait laver des crimes nazis, Ernst Meister, né en 1911 en Westphalie, ne cessa d’y revenir, et plus encore en 1970 lorsque, en même temps que l’on s’apprêtait à fêter le bicentenaire de la naissance de Hölderlin, Celan mit fin à ses jours. Le dialogue poétique que Meister ouvrira alors entre ses deux « frères » sera formulé dans Dis la phrase du tout* aujourd’hui retraduit : il écrit, dans un poème liminaire presque programmatique : « L’homme/ a son chant à chanter,/ même si ballotté/ par le silence du monde/ je ne veux rien jeter/ par dessus son crâne ». Le traducteur (Hugo Hengl) de ce volume a ici rendu Scheidel (zénith) par Schädel (crâne), vérifiant au travers d’un sémantisme proche, le choix d’une brusquerie et d’une rudesse préférable dans sa version française. Le chant que se doit l’homme, pour Meister, n’aura pas en effet à excéder, dans l’après-extermination des juifs d’Europe, la hauteur d’un crâne, c’est-à-dire la mesure de l’homme.
La nuance est fine, mais essentielle, elle fonde le retour que se doit de penser Meister dans ce livre magistral vers les deux balises de la poésie allemande. Il sait, d’elles, que la tâche du poète, pour lui qui suivit autant des études de théologie, de philosophie, que de germanistique et d’histoire de l’art, ne peut s’envisager qu’à partir du défaut des Dieux, de leur absence, de la conception d’un zénith vacant, peut-être seulement peint d’un « bleu adorable » (Hölderlin). L’homme y est seul à le contempler, le Dieu qui ne le soutient plus est la chance de sa propre prise de parole : « C’est quand nous/ sommes dénudés/ jusqu’à/ l’argile qu’il/ est question/ justement/ du chantable » lance-t-il encore, sans emphase.
Relever la parole de ce qui la condamne au silence
Dis la phrase du tout entretisse ses vers de citations à peine modifiées, tout un jeu d’intertextualité les densifie sans atténuer leur sobriété et leur fluidité - l’exemple de la tour de Tübingen où Hölderlin écrivit, avant de se taire, ses derniers poèmes dits de la folie. Figurant la tour dans son poème, comme Celan le fit aussi, ce n’est pas d’un souvenir, d’une anecdote dont il est alors question, ni même d’un geste commémoratif, mais du pouvoir de relever encore la parole de ce qui l’effare et la condamne au silence : de continuer en somme un travail d’exploration possible de la langue comme « esprit de communauté ». Meister le formulera encore par un « jamais je ne me suis trouvé en fuite devant la phrase », qui suggère bien la poursuite d’une « tierce voie » entre de ce qui était advenu avec Celan et la déchirure qu’allait ouvrir sa disparition pour ceux qui lui survivront. Cette endurance, Meister eut à la vivre, depuis l’attente de sa reconnaissance en Allemagne, qui vint à la fin des années 50 avec l’obtention des prix Hülshoff, Rilke (1978) et Büchner (à titre posthume, l’année de sa mort en 79). Ombres (1965-1979) la donne encore à entendre face aux « chiens nus/ des talus secs » : « Allez, chassez/ hurlez aussi/ là/ je prends le repos/ d’un adieu,/ là, là, au dernier endroit/ où je fus ».

* Ce livre parut sous le titre L’Étrange année in Dans la faille du temps (La Différence, 1993)

Ombres (précédé de) Dis la phrase du tout d’Ernst Meister - Traduit de l’allemand par Hugo Hengl et Lambert Barthélémy, Fissile, 162 pages, 18

Meister, à temps… Par Emmanuel Laugier
Le Matricule des Anges n°100 , février 2009.