La lettre de diffusion

Votre panier

Le panier est vide.

Nous contacter

Le Matricule des Anges
ZA Loup à Loup 83570 Cotignac
tel ‭04 94 80 99 64‬
lmda@lmda.net

Connectez-vous avec les anges

Vous n'êtes actuellement pas identifié. Pour pouvoir commander un numéro, un abonnement ou bien profiter, en tant qu'abonné, des archives en ligne, vous devez vous connecter avec votre compte.

Retrouver un compte

Vous avez un compte mais vous ne souvenez plus du mot de passe ? Vous êtes abonné-e mais vous vous connectez pour la première fois ? Vous avez déjà créé un compte, peut-être, vous ne savez plus trop ?

Créer un nouveau compte

Vous inscrire sur ce site Identifiants personnels

Indiquez ici votre nom et votre adresse email. Votre identifiant personnel vous parviendra rapidement, par courrier électronique.

Informations personnelles

Pas encore de compte?
Soyez un ange, abonnez-vous!

Vous ne savez pas comment vous connecter?

Poches Au pilori !

juin 2009 | Le Matricule des Anges n°104 | par Camille Decisier

Quand l’artiste torturé redevient à la mode, tous les coups sont permis pour ressusciter cette espèce disparue. Une critique acerbe de la culture de masse par Joey Goebel.

Torturez l’artiste !

Il était une fois, dans un grand pays tout neuf portant bannière étoilée, une culture populaire en complète déliquescence. Créés de toutes pièces par l’industrie du divertissement, ses médiocres artefacts, superstars plus qu’éphémères, restaient sagement rangés entre loi du marché et mesures d’audimat, tandis que le grand public, lui, acceptait volontiers « n’importe quel excrément qu’on lui servait via la production de masse et les ondes radio ». Pour ainsi dire, le show business manquait cruellement de poètes maudits et autres génies tourmentés, et cela commençait à se voir la tendance revenait au vintage, et à la nostalgie frelatée de ce qui n’était plus. Jusqu’au jour où, se sentant justement coupable de ce vaste gâchis artistique, un grand ponte de l’audiovisuel eut l’idée de fonder une académie « progressiste » chargée de générer d’authentiques artistes torturés. Ce qui consistait ainsi, pour le moins, à torturer l’artiste.
« Bon, si ça peut vous remonter le moral, j’ai réussi sans le vouloir à lui arranger un cas de syphilis. Hé, c’est pas mal, il finira peut-être par perdre un membre comme Rimbaud ! » Pseudo syphilis, donc, mais aussi tuberculose incurable, isolement sentimental sévère, incendie de sa maison natale, échecs amoureux à la chaîne, empoisonnement de son toutou favori, addiction programmée aux alcools forts et intoxications en série sont quelques-unes des persécutions qui attendent le premier cobaye, sélectionné avec soin et arraché à sa famille à l’âge de 7 ans. Son tortionnaire, Harlan, à la fois manager, confident et bourreau, secrètement chargé d’orchestrer les supplices, d’arranger les déconvenues, bref de saccager en graissant des dizaines de pattes la vie quotidienne de Vincent pendant deux décennies, ne peut que constater l’accroissement du talent de son poulain, dont la santé physique et mentale, en revanche, ne cesse de décliner. Quelles sont les limites de la manipulation ? « Après tout, la caractéristique ultime d’un artiste tourmenté, le trait clé qui solidifie sa légende, c’est qu’il meurt jeune, correct ? »
Parfois très proche, par sa narration excessivement dialoguée, de l’écriture scénaristique, Torturez l’artiste est un conte réaliste dont le postulat à peine excentrique (un mécénat sadique et vénal inaugurerait une nouvelle Renaissance, très encadrée, du divertissement de masse) est sous-tendu par une inquiétude profonde et exceptionnellement mature liée à la désacralisation de l’œuvre d’art. Walter Benjamin, en 1935, s’en était déjà alarmé, la mettant en rapport direct avec la « reproductibilité technique » de son support. L’école de Francfort reprendra cette thèse et l’enrichira de références marxistes en dénonçant la manipulation collective et aliénante exercée par les mass media. Goebel s’engage à son tour, avec ce deuxième opus paru aux États-Unis en 2004, contre l’uniformisation de la culture américaine, et accuse la société libérale de soumettre un divertissement nivelé par le bas aux seuls impératifs de rentabilité. Ses trois romans publiés pourraient trouver leur place au sein de la branche pop de la littérature, puisqu’ils exploitent les thèmes de l’art, du commerce et de la culture de masse autant qu’ils les éreintent. Né en 1980 dans le Kentucky, ex-guitariste et chanteur de deux groupes punk The Novembrists et The Mullets, Joey Goebel se voit d’abord comme un entertainer ; et c’est donc joyeusement qu’il met une bonne peignée à l’offre culturelle émolliente (c’est là un euphémisme) qui est notre pain quotidien.

Torturez l’artiste ! de Joey Goebel
Traduit de l’américain par Claro
10/18, 380 pages, 8,20

Au pilori ! Par Camille Decisier
Le Matricule des Anges n°104 , juin 2009.
LMDA papier n°104
6,50 
LMDA PDF n°104
4,00