La lettre de diffusion

Votre panier

Le panier est vide.

Nous contacter

Le Matricule des Anges
ZA Loup à Loup 83570 Cotignac
tel ‭04 94 80 99 64‬
lmda@lmda.net

Connectez-vous avec les anges

Vous n'êtes actuellement pas identifié. Pour pouvoir commander un numéro, un abonnement ou bien profiter, en tant qu'abonné, des archives en ligne, vous devez vous connecter avec votre compte.

Retrouver un compte

Vous avez un compte mais vous ne souvenez plus du mot de passe ? Vous êtes abonné-e mais vous vous connectez pour la première fois ? Vous avez déjà créé un compte, peut-être, vous ne savez plus trop ?

Créer un nouveau compte

Vous inscrire sur ce site Identifiants personnels

Indiquez ici votre nom et votre adresse email. Votre identifiant personnel vous parviendra rapidement, par courrier électronique.

Informations personnelles

Pas encore de compte?
Soyez un ange, abonnez-vous!

Vous ne savez pas comment vous connecter?

Domaine étranger Drôles de flamants

juillet 2009 | Le Matricule des Anges n°105 | par Dominique Aussenac

Dans une enquête policière crue, hilarante et mélancolique, Mia Couto s’inquiète de l’évolution de son pays : le Mozambique.

Le Dernier vol du flamand

Au crépuscule, la mère du narrateur susurrait un chant de son invention. Il y était question de flamants. « Pour elle, c’étaient les flamants qui poussaient le soleil afin que le jour se lève de l’autre côté du monde. » Pour son père, Sulplicio, le flamant représentait une douloureuse épreuve enfantine. Alors que son propre père lui apprenait à capturer l’échassier pour le manger, l’enfant refusa de participer au carnage. Deux façons d’appréhender le flamant, deux façons d’appréhender le monde. Le père et la mère parlent au narrateur. Mais sont-ils morts, sont-ils vivants ? Où commence le rêve ? Où mord le réel ?
Une chose est certaine, il se passe de drôles de choses à Tizangara (village imaginaire du Mozambique). Des choses tellement importantes, qu’un inspecteur italien des Nations Unies, Massimo Risi est dépêché sur place. Ce n’était jamais arrivé au cours des diverses guerres ayant ravagé le pays. Faut dire que cela ne concerne pas les locaux ! Des casques bleus disparaissent dans des conditions délirantes. De leurs corps ne subsiste qu’un membre démembré qui peut se déposer n’importe où et même se ficher dans un mur ! Mais quel membre ! Ana Deusqueira, qui aide à l’identification de la victime est formelle. « - Cet homme-là était de sexe masculin. Et la prostituée éclata de rire tandis qu’elle écartait une poussière imaginaire des mèches séchées de sa fausse chevelure. »
Cinq, six sexes de soldats onusiens apparaissent, ça et là, dans des endroits complètement insolites. L’inquiétude est à son comble. On enjoint le narrateur de seconder l’inspecteur italien. Il maîtrise les différentes langues locales, parle avec les vivants et les morts, connaît le monde magique, les superstitions, mais il doute. De tout. Des occidentaux qui surveillent le processus de paix depuis la fin de la guerre civile. Des siens, qui se sont battus pour l’indépendance et la liberté et qui, corrompus, continuent à vider le pays de ses richesses et profitent de la présence onusienne. De la mondialisation. De l’acculturation. De lui-même. Il est le marqueur de parole, au centre de toute œuvre de Mia Couto et des littératures créoles. À la fois, celui qui réécrit les faits dont il a été témoin, ainsi que le garant de l’oralité, des quatorze idiomes parlés dans le pays et du « mozambica-né » fédérateur issu de la langue du colonisateur portugais. Il retranscrit dans son récit, toute la luxuriance, les couleurs, les structurations mentales, les imaginaires de ces langues en réinventant des dictons tout en gardant la syncope souple, précieuse, mélancoliquement alambiquée du portugais classique. Il fait parler l’herbe, les arbres, les animaux. « Nous appelâmes l’Italien qui s’incrédulisa : le pays entier avait disparu ? Oui, la nation avait été complètement engloutie dans ce vide. Face à la dernière rive du monde, devant la plus grande faille qu’il eût jamais vue, Massimo Risi se bouchebéfiait. »
De la fin de l’histoire, des rebondissements incessants, il ne sera plus rien dit ici. Peut-être parce que tout cela est impossible à résumer, plutôt parce que la galerie de portraits vaut à elle seule le détour. Temporina l’ensorcelée, jeune vieille. L’Italien lui fit l’amour. En songe, dans la réalité ? Estêvao Jonas, ex-libérateur, administrateur corrompu et lucide à la langue fleurie. Zeca Andorino, le sorcier, Sulplicio, le père zombie qui avant de s’endormir, se dépouille de ses os, etc. Le personnage principal, inquiétant et tendre qui traverse le livre, n’est en fait que la mort aux mille visages, aux mille séductions, aux mille âcretés. Magie de la saudade ? « Désormais mon fils je ne parle plus aucune langue, je ne parle que des accents. Tu comprends ? »

Le Dernier Vol du flamant de Mia Couto
Traduit du portugais (Mozambique) par Elisabeth Monteiro Rodrigues, Chandeigne, 216 p., 20

Drôles de flamants Par Dominique Aussenac
Le Matricule des Anges n°105 , juillet 2009.
LMDA PDF n°105
4,00