Critique d’art influent (introduisant notamment en France l’œuvre de Joseph Beuys), Bernard Lamarche-Vadel (1949-2000) est avant tout un écrivain à ne pas souffrir la comparaison avec Thomas Bernhard. L’indice de leur fraternité tient non seulement à la haine que vouait BLV au sol français et à sa misère intellectuelle, mais surtout à cette solitude singulière qui les conduisit chacun à leur manière à ne pas transiger avec ce que l’expérience de l’écriture ouvrait sur l’horreur ou sur la défection de l’espèce humaine. C’est à ce trajet radical, réfractaire à toute compromission, que cette monographie, invitant vingt auteurs, se donne : sa volonté (impeccable) de cheminer avec BLV se déploie moins en un hommage, qu’en une véritable chambre d’échos de l’importance qu’il a auprès des écrivains d’aujourd’hui. Par la rage et le processus, quasi baroques, qu’il met en branle dans la prose française avec la publication de ses trois et seuls romans (Vétérinaires [1993], Tout casse [1995] et Sa vie, son œuvre [1997], tous chez Gallimard), perceptibles dès 1978 dans L’Efficacité des rouges (Christian Bourgois), ou encore dans la pratique d’un vers branché sur les pulsions corticales du corps (De la douce hystérie des bilans, Unes, 2000), BLV vous fend le haut du crâne d’un massif coup de hache. Les sept entretiens, ainsi que les deux textes inédits, l’attestent avec une rare élégance, voire presque douceur, dans une langue digne de Saint Simon ou de Bossuet. Du personnage central, le médecin Paul Marbach, auteur des fameuses lettres de condoléances, à la localité de Zamenhof (alsacio-allemande) révélée dans Tout casse, c’est à la « Phrase Lamarche », telle que la décrit dans sa logique féroce et retorse Joseph Mouton que chaque auteur, finalement, revient. Retenons également la très impressionnante synthèse (« Injonctions vives ») que parvient à faire de cette œuvre de maquisard Bertrand Leclair, les notes que donne Yannick Haenel, ainsi que, trop rarement connu, l’approche que propose Allan Diet des nouvelles de L’Art, le
* Viennent également de paraître Dans l’œil du critique, Bernard Lamarche-Vadel et les artistes, Éditions Paris-Musée, 300 p., 35 € et La Rongère : Le désespoir du singe & Mercedes, portrait en creux de BLV par Danielle Robert-Guédon, Argol, 210 p., 19 €
FACE À LAMARCHE-VADEL
Ouvrage collectif sous la direction de Mathieu Larnaudie
Éditions Inculte, 448 pages, 30 €
Essais Face à Lamarche-Vadel
septembre 2009 | Le Matricule des Anges n°106
| par
Emmanuel Laugier
Face à Lamarche-Vadel
Par
Emmanuel Laugier
Le Matricule des Anges n°106
, septembre 2009.