La lettre de diffusion

Votre panier

Le panier est vide.

Nous contacter

Le Matricule des Anges
ZA Loup à Loup 83570 Cotignac
tel ‭04 94 80 99 64‬
lmda@lmda.net

Connectez-vous avec les anges

Vous n'êtes actuellement pas identifié. Pour pouvoir commander un numéro, un abonnement ou bien profiter, en tant qu'abonné, des archives en ligne, vous devez vous connecter avec votre compte.

Retrouver un compte

Vous avez un compte mais vous ne souvenez plus du mot de passe ? Vous êtes abonné-e mais vous vous connectez pour la première fois ? Vous avez déjà créé un compte, peut-être, vous ne savez plus trop ?

Créer un nouveau compte

Vous inscrire sur ce site Identifiants personnels

Indiquez ici votre nom et votre adresse email. Votre identifiant personnel vous parviendra rapidement, par courrier électronique.

Informations personnelles

Pas encore de compte?
Soyez un ange, abonnez-vous!

Vous ne savez pas comment vous connecter?

Domaine français La chambre de l’écrivain

novembre 2009 | Le Matricule des Anges n°108 | par Chloé Brendlé

Le troisième roman de Sébastien Brebel raconte le délitement des êtres et la fragilité de la mémoire, à travers l’impossible construction d’un chez-soi.

Prenez un lieu familier, simple, comme une maison. Videz-le de toute substance et de tout réalisme. Peuplez-le de cauchemars vagues et d’objets insolites, rappelant lointainement un passé, individuel ou collectif. Faites en sorte qu’il ressemble autant à une villa qu’à un bunker, qu’il soit indescriptible, et en même temps terriblement présent.
Villa Bunker est la chronique de cette anamorphose. Comme les deux précédents livres de Sébastien Brebel, Place forte et Fauteuil de Bacon, un conte du naufrage et du frêle désastre, de l’envoûtement et de la dépossession de soi. Dans L’Écume des jours de Boris Vian, les murs rétrécissent et Chloé, aux poumons parasités par un nénuphar, étouffe peu à peu. Dans le roman de Sébastien Brebel au contraire, c’est le trop-plein d’espace d’une villa apparemment vide, qui détruit les personnages, et se révèle semblable à une « plante carnivore ». Un couple de parents emménage dans une bâtisse isolée ; le malaise installe aussitôt ses propres meubles. La mère écrit des lettres à son fils sur l’impossible conquête de la maison et sur l’anéantissement de leur volonté. Les pièces ont leur propre autonomie, dit-elle, chambre forte, bunker, salon, cave, tourelle, laboratoire… chacune avec son propre tempérament, sa propre « saison ». Et chaque sensation éprouvée bascule dans la fiction. Les lettres de la mère ont des caractères « comme tombés ou bombardés sur la page, de sorte que celle-ci pouvait ressembler à un cimetière détruit, tombes éventrées et croix renversées ». C’est le fils, dans un désordre orchestré (les paragraphes, courts, numérotés, semblent suivre le fil de la plume), qui raconte. Et voilà le récit qui oscille entre le discours oblique, retranscrit des lettres, et le texte du fils. Ce fils, qui, dans une pièce lui aussi, écrit, ou tente d’écrire, sa thèse sur Foucault, le penseur de l’enfermement carcéral et de la folie. Il décrit un processus d’aliénation : qu’éprouvent ses parents, sont-ils devenus fous ? Et lui, quelle sorte d’enfant est-il ? La chronique de la tentative d’habitation est aussi l’entreprise de démolition d’une relation perdue.
La démolition d’une relation perdue.

Villa Bunker parle ainsi du vertige et de l’effacement de la mémoire (« Nous nous souvenons d’une chose et pour nous remémorer cette chose nous empruntons différents chemins, de sorte que chaque souvenir nous conduit à la même chose et en même temps, si nous réfléchissons bien, chaque nouveau souvenir nous éloigne de cette chose. ») D’une histoire sans fin ou plutôt dont la fin est cachée quelque part dans le livre, comme une clé qui ouvre sur une pièce condamnée. De notre imaginaire d’enfant et de « sujet » moderne. Car notre modernité recèle de lieux virtuels et fantastiques, toujours plus immatériels et mouvants. La découverte progressive de la maison démesurée par ses occupants - ou plutôt ses occupés - se substitue à la découverte d’un continent, d’une île dans les romans d’aventure, ou d’une planète dans des romans de SF. Et c’est aussi leur propre intériorité que les personnages se retrouvent à défricher, jusqu’à la folie. On ne sait jamais ce qu’ils vont trouver ou fantasmer d’une pièce à l’autre : le piano inutilisé de la mère, « emmailloté dans ses épaisseurs de couvertures grises », « pachyderme blessé, condamné au silence sous la camisole poussiéreuse », ou des débris inquiétants, comme dans cette immense pièce vide du salon qui rappelle les ruines d’une « ville rasée par les bombes ». L’un des plus beaux passages peut-être du livre raconte les retrouvailles avec le vieil appareil-photo, qui ne pourra même plus servir à authentifier le réel, chaque photo devenant, une à une, peau morte.
L’anamorphose, quelle métaphore plus juste de l’écriture ? Villa Bunker comme chambre de l’écrivain en alchimiste.

Villa Bunker de Sébastien Brebel
P.O.L, 152 pages, 14

La chambre de l’écrivain Par Chloé Brendlé
Le Matricule des Anges n°108 , novembre 2009.