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Égarés, oubliés À pas de charge

novembre 2009 | Le Matricule des Anges n°108 | par Éric Dussert

Poète plaisant mais pamphlétaire redoutable, Eugène Vermersch (1845-1878) est mort fou au terme de son exil politique. On n’excuse pas la violence.

Réédité en 1910 par les Temps nouveaux, le fameux organe de l’anarchiste Jean Grave, Les Incendiaires, ode aux révolutionnaires de toutes les révolutions, est probablement la plus belle pièce de la bibliographie d’Eugène Vermersch, dont la fougueuse plume aurait pu alerter depuis longtemps déjà sur les qualités d’une âme vive, voire imprudente. Ami proche de quelques notables des Lettres dont les relations auraient dû le rendre attrayant aux lecteurs futurs, il a glissé dans l’oubli aussi fastidieusement qu’il avait d’aisance à décocher les flèches et à tresser les vers. Naturellement, c’est grâce à Paul Verlaine (qui occupa sa chambre de bonne après son exil), Rimbaud et Germain Nouveau (qu’il logea à Londres) que l’on doit de lire encore son nom ; à eux et à la Commune à laquelle il prit part, comme en témoignent tous les chroniqueurs de ces événements :
« La physionomie des Halles centrales est des plus animées. Les ménagères prudentes s’empressent de faire leurs approvisionnements. Le marché s’est ressenti déjà de la fermeture des portes. Les denrées y sont plus rares et plus chères. Nous avons la ferme confiance que cette augmentation des prix ne sera que passagère. La même animation règne au boulevard Sébastopol, devant la maison Potin. Des barrières y ont été installées comme à la porte des théâtres, pour contenir et réglementer la foule qui s’y presse, et c’est un spectacle véritablement curieux que celui de ces mères de famille qui craignent de ne jamais arriver à temps, comme les enfants redoutent, parvenus au contrôle, de ne plus trouver de place.
« Tous les matins, les habitants de Paris sont assourdis par une multitude d’enfants qui crient : Achetez la Grande colère du Père Duchêne, contre les j… f… de Versailles. Le rédacteur du Père Duchêne est un jeune homme nommé M. Eugène Vermersch, lequel, lorsque les publications grivoises étaient de mode, a écrit la Lanterne galante ». (Balathier-Bragelonne, Paris insurgé, Bureau du journal » Le Voleur « , 1872).
Paul Bourde, féroce pourfendeur de Républicains, dénonça pour sa part un Vermersch acharné à bouter le feu. Il est vrai qu’Eugène Vermesch n’y était pas allé pas avec le dos de la cuillère à pot, par habitude professionnelle est-on amené à croire…
 » Je lègue à Louise Collet ma brosse à dents et ma cuvette ; /
un biberon, une layette « .

Deux ans plus tôt, ce fils de brigadier de la police lilloise (ou d’un négociant lillois…) appartenait déjà au joyeux groupe de bohèmes autoproclamés » les Vilains Bonshommes « dont on sait quelle part Paul Verlaine y prit. Né à Lille le 13 août 1845, il était arrivé à Paris vers 1863 pour suivre des études de médecine. Bien entendu, aspiré par la vie de la nuit, il fit un excellent bohème et ne connut jamais le doctorat. Fort à l’aise dans les brasseries, il entama par goût une carrière de poète et de journaliste. Ses premiers vers, Printemps du cœur, lui valurent les félicitations de ce flagorneur de Victor Hugo, et c’est dans la presse qu’il marqua son époque en publiant de 1866 à 1868 Le Hanneton, journal des Toqués où les mots pointus prospéraient de ses cent cinquante » Hommes du jour « vitriolés. Il redoubla en produisant les volumes des Binettes rimées (1868), La Chronique scandaleuse (1868), De l’ostracisme littéraire (1865), Saltimbanques et pantins (1865) dont les piques furent tant remarquées - et célébrées - qu’il y prit goût à coup sûr et, loin de s’en plaindre, multipliait les inimitiés. Cette pente du verbe fort, voilà peut-être la cause de son emportement dans les moments excitants de l’émeute. Les Versaillais n’oublièrent certes pas les appels au meurtre promulgués par son journal, Le Père Duchesne - après son passage au Cri du peuple de Vallès -, et le condamnèrent à mort. Exilé en Suisse, dont il fut expulsé, le » poète contumax " (Léon Bocquet) rejoignit la Belgique et finalement Londres où il expira, rendu fou par l’exil, à l’âge de 33 ans, le 9 octobre 1878.
Une décennie plus tôt, Eugène Vermersch le pugnace avait fait preuve encore de son lyrisme en produisant son Grand Testament de (1868), où le rire de François Villon résonne fort et clair : « Je lègue à Louise Collet / Ma brosse à dents et ma cuvette ; / Un biberon, une layette / D’enfant à l’imberbe Feuillet ; / A pailleron, une écrevisse. / (…) Si de l’or flâne en mon gilet / Qu’on le porte chez Rachel, fille / Qui reste seule, sans famille / Et loge près du Châtelet ; / Elle est jolie et mal famée ; / Elle a l’œil bleu, grand et moqueur, / Et c’est des reines de mon cœur / Celle que j’ai la mieux aimée. »
Dans Les Lundis de la Bataille (1891), Camille de Sainte-Croix avait exposé le point de Jules Claretie sur Vermersch : « Poète, non ! S’il l’eût été, il fût demeuré poète, c’est-à-dire fidèle à tout ce qui est noble et beau, rayonnant, pur, superbe et sain. Les poètes ne prennent point, pour étrangler les gens, la corde de leur lyre ». Si la formule est belle, elle souligne qu’un pamphlétaire rencontre toujours l’incompréhension, mais, comme le note Sainte-Croix, elle fait peu de cas d’un Baudelaire. Et de conclure : « Vermersch est mort jeune et détraqué ; M. Claretie mourra tard et secrétaire de l’Académie. / Évidemment, ce n’étaient pas là des gens faits pour s’entendre. »

À pas de charge Par Éric Dussert
Le Matricule des Anges n°108 , novembre 2009.