Une histoire politique de la littérature si vaste question, qui pourrait être traitée à coup de concepts, mais à laquelle ce livre répond de manière toute biographique : nos écrivains, ce qu’ils ont dit (au sujet des puissants, des miséreux, de la guerre…), et comment ils se comportèrent. Ci-devant classés en familles qui font autant de chapitres (comme les « courtisans », les « plantés », les « prudents »), ces écrivains se voient attribuer des bons et des mauvais points, et plus souvent des mauvais. Par exemple et selon les procès usuels, voilà Eluard&Aragon militants du goulag, Sartre en ses inconséquences bourgeoises… et même Genet qui bandait pas mal pour les collaborateurs (« Sa rébellion (…) prit la forme du SS français qui fut son amant »), et remontons tant qu’on y est jusqu’à cette chochotte de Hugo « Le peuple ayant besoin de gémir sur son sort, Hugo fait office de pleureur ». L’auteur a l’art de la synthèse délicate ; on brûle de savoir quels contemporains échapperont à son enfer. Page 291, on est enfin fixé : il est, dans le paysage actuel des Lettres françaises, un individu qui se montre tout à la fois « charitable » et « vaillant », et qui sait aller « à rebours de l’époque ». Cet homme s’appelle Pascal Bruckner : oui, Pascal Bruckner. Quelques lignes plus loin « Dans un temps où domine l’illusion égalitaire, il faut du courage pour remettre en cause la sous-culture de masse, l’avilissement du goût et des manières, l’indifférenciation provoquée par le multiculturalisme », nous sommes renseignés sur l’essentiel : Stéphane Giocanti apporte ici son concours à la Pléiade des enseignants-essayistes ivres de vérité et de Finkielkraut.
Une histoire politique
de la littérature de Stéphane Giocanti
Flammarion, 336 pages, 20 €
Essais And the winner is…
janvier 2010 | Le Matricule des Anges n°109
| par
Gilles Magniont
Un livre
And the winner is…
Par
Gilles Magniont
Le Matricule des Anges n°109
, janvier 2010.