Un cours ? On ne s’attendait guère à trouver le nom de Julien Blaine dans un tel contexte, et encore moins sous une enseigne abritant un espace d’expression des voix nouvelles, et non point une chaire de savoir quelconque. Devant les couleurs eau-de-rose de la couverture ornée d’une coquette frisette, le lecteur désorienté conclut à l’ironie. D’autant que le sous-titre, rien qu’en son énoncé, enfonce le clou : « Manuel à l’usage des étudiants des facultés de lettres et ceux des écoles des beaux-arts ». Il doit y avoir du second degré, forcément, se dit-on. Puis, non. La quatrième de couverture annonce la gravité du projet en des termes enlevés : « Pauvres écoliers qui se retrouvent face à des jeunes femmes ou des jeunes hommes voire des vieilles femmes et des vieux hommes qui sont loin de leur corps et de leurs actes, loin de leur vie et de leur désir, loin du risque et du plaisir, loin de la haine, de la révolte et de l’amour, et qui conduisent ces écoliers (…) sur les autoroutes du savoir mort… » Là on frissonne d’émotion, et on s’impatiente de découvrir une autre manière incarnée, charnelle, passionnée, vécue d’apprendre ce qu’est la poésie contemporaine.
Seulement, très vite on n’y comprend rien : extraits, commentaires et citations résistent à l’identification, semblent aléatoires, et on n’ose pas y demander son chemin. Le péché de l’ouvrage est originel à l’objet qu’il se propose d’exposer : seuls ceux qui en sont liront et, peut-être, comprendront. Au hasard : « II/Seconde base du travail : / le patrimoine de la poésie en chair et en os : / - l’Aurignacien supérieur / (pour le beaucoup qu’on en devine). / Ces deux doigts que l’on trouve réunis en forme de vulve pour porter dans les jeunes religions barbares… » Ce en quoi il exemplifie, bien plus qu’il n’explique.
On aimerait tant que Julien Blaine, et ceux dont il parle avec amour et foi, n’oublient pas le lecteur ; qu’ils quittent la peau hérissée de pratiques qui les isolent, au sein de cénacles formel, sonore, performant & Co. Que subversifs, iconoclastes, moqueurs, ils expérimentent et dérangent, mais qu’ils s’emparent d’un sens, ne serait-ce qu’en creux. Qu’ils s’opposent, au lieu d’y contribuer (ainsi : La vue, Elle veut / La vuellveut / La vulve) à l’étiolement, plus menaçant que jamais, de nos facultés vives. Qu’ils soient lisibles. Qu’ils soient poètes.
COURS MINIMAL SUR
LA POÉSIE CONTEMPORAINE
dE JULIEN BLAINE
Al Dante, 111 pages, 15 €
Poésie Cours minimal
janvier 2010 | Le Matricule des Anges n°109
| par
Marta Krol
Un livre
Cours minimal
Par
Marta Krol
Le Matricule des Anges n°109
, janvier 2010.