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Égarés, oubliés Razzia sur les rêves

janvier 2010 | Le Matricule des Anges n°109 | par Éric Dussert

De la Cité interdite aux studios d’Hollywood, itinéraire unique d’un auteur de pulps, aventureux et plein de mystères dont la trace a fini par s’effacer.

Avec ses faux airs de Charles-Albert Cingria, Achmed Abdullah ne déparera pas la galerie des écrivains oubliés du siècle dernier. Il pourrait d’ailleurs être promu l’un des hérauts, le représentant le plus exotique et le plus aventureux avec Lawrence d’Arabie ou Alexandra David Neel. Drôle d’oiseau à coup sûr, Achmed Abdullah avait plus de droits au turban que son sosie suisse Cingria : né à Kaboul le 12 mai 1881, l’enfant d’ascendance mandchoue fit ses débuts à la cour impériale au cœur de la Cité interdite, à Pékin. Sa vie ne fut ensuite qu’un déplacement permanent, un tourbillon pour tout dire, sous tous les climats, à l’exception des pôles et de l’Amérique du Sud encore faudrait-il enquêter. Son nom complet était Seyyid Cheikh Achmed Abdullah Nadir Khan el Iddrissich el Durani. Et sous ce nom ou dans sa version courte, il reste une personnalité que l’on devrait tous connaître pour une seule très bonne raison : il a écrit Le Voleur de Bagdad, récit dont Raoul Walsh fit le film que l’on sait où se déploya la carrière de Douglas Fairbanks.
Après de nombreuses pérégrinations en Chine, le jeune Achmed Abdullah fut envoyé chez les Jésuites, en Europe, et compléta ses études à Eton, Oxford, Berlin et Paris. Il en garda une haine profonde du Vieux Continent, à l’exception peut-être de la France, pour des raisons que l’on ignore. Il est un fait qu’il choisit de couronner ses études au Caire avant de rejoindre la révolte des Boxers en Chine. Sitôt le calme rétabli dans le Céleste Empire, il se rendit en Inde et s’engagea dans l’armée anglaise qu’il venait de combattre, et d’y gagner des galons de capitaine au sein du Sam Browne’s Horse, un régiment de cavalerie. Passé à l’armée turque, avec le grade de major général de la cavalerie d’Anatolie, il poursuivit sa carrière militaire à l’État-major pour devenir Pacha en 1914. Après dix-sept années passées sous les armes, il semble avoir été encore accusé d’espionnage par les Allemands durant la Première Guerre mondiale. Il échappa au peloton d’exécution, on ignore où, quand et comment.
Comment se retrouva-t-il à Hollywood ? Là encore, il manque à l’évidence une couture à notre récit et nous sommes bien en peine de trouver le fil ou l’aiguille. Voilà le captain Achmed Abdullah, Pacha de Turquie, converti à l’Islam, scénariste en Californie, auteur de pulps, de contes, de romans catastrophe, en tout d’une trentaine ouvrages dont trois seulement seront traduits en français, Un parfait gentilhomme (1919), Le Voleur de Bagdad (1927) et Au branle des caravanes (1929). On ne s’étonnera guère que les mystères de l’Asie (Mysteries of Asia, 1935) lui aient fourni une part de son inspiration, mais des titres tels que Deliver us from Evil (1939), The Blue-Eyes Manchu (1916), A Wild Goose of Limerick (1926), Steel and Jade (1927), The Benefactor’s Club (1921) laissent aisément imaginer quelle matière populaire y vibre, attendant qu’un traducteur daigne nous en dévoiler quelque merveille.
Le plus étonnant de ce parcours hors normes reste sa participation aux pas décisifs du cinéma à l’heure où de muet il devient parlant. Depuis Pagan Love (1920), ses huit films connurent des succès contrastés tout en laissant en mémoire les titres des Trois Lanciers du Bengale et du Voleur de Bagdad, un récit qui connut cinq réalisations différentes entre 1924 et 2003, ce qui signale pour le moins une œuvre notable. Dans ce « roman cinématographique », le plus grand bazar d’Irak fourmille. Mille odeurs, mille couleurs, mille personnages étonnants se mêlent et servent de faire-valoir au beau Ahmed el Bagdadi, jusqu’à ce flamboyant avaleur de sabres qui fait son numéro :
« Je suis Vikramavata, le Swami, le Yogi, le plus grand faiseur de miracles de tout l’Hindoustan ! Il n’y a personne dans les Sept Mondes connus qui puisse rivaliser avec moi dans la magie blanche ou noire ! Je suis une mer immense des plus excellentes qualités ! Je suis, cela me fut assuré par des personnes désintéressées et dignes de foi en Chine, en Tartarie et dans le pays des Mongols à face de chien, un joyau d’or pur, une poignée de rubis en poudre, un tonique exquis pour le cerveau humain, le père et la mère de la sagesse cachée ! »
Peut-on croire vraiment à la folle fable d’Achmed Abdullah, Pacha turc, captain mandchou, anglais, musulman et scénariste hollywoodien ? Tout semble plausible pourtant, ou à peu près. Il sera tout de même prouvé qu’Achmed Abdullah, qui fournit le conte de son extraction asiatique, a laissé les journalistes de son temps colporter une légende taillée sur mesure, digne d’un homme du septième art naissant. Il n’aura (apparemment) qu’un peu enrichi la réalité puisqu’il se nommait Aleksandr Nicholaievitch Romanoff, natif de Yalta à la date qu’il indiquait de bonne grâce, d’un cousin du Tsar et d’une princesse afghane. Il est mort le 12 mai 1945 à l’hôpital de Columbia. Premier écrivain britannique primé par l’Académie française, il verra son œuvre reparaître prochainement.

Razzia sur les rêves Par Éric Dussert
Le Matricule des Anges n°109 , janvier 2010.
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