Benoît Laudier, l’éditeur de Vagabonde, parle d’une voix posée, affirmée, celle d’un trentenaire à l’aise, qui ne cesse pourtant de remettre en question ce qu’il vient de dire. Sa conversation est fluide et toujours en mouvement, alors même que son port est droit et ses propos mesurés mais fermes. Aucun paradoxe pourtant, aucune ambiguïté chez lui : de la cohérence et des idées qui circulent, à l’image d’un catalogue réduit, mais immédiatement reconnaissable. Un homme d’enthousiasme aussi, qu’il relie à la lecture, un enthousiasme dont il dit qu’il détesterait tuer celui porté par de plus jeunes que lui.
Il évoque peu son parcours personnel, qu’il juge « sans intérêt », à peine dit-il qu’il n’a commencé à lire qu’après l’adolescence, et que ce n’est qu’au début de sa vie « d’adulte » que la littérature à commencer à « l’émoustiller ». Ce qui l’a amené à travailler, malgré tout dans l’édition, avant de fonder sa propre maison, avec son frère Stéphane Laudier et deux amis, Julie K. Sandjian et Denis Lambert.
Qu’est-ce qui a déclenché la création de Vagabonde ?
Je suis devenu éditeur en partie par inadvertance. Je travaillais préalablement dans l’édition depuis déjà un certain nombre d’années, pas uniquement pour le domaine littéraire. C’était un métier auquel je ne me destinais absolument pas, mais j’y ai certainement pris goût.
En travaillant pour d’autres, je me suis aperçu que certaines choses restaient en plan, étaient évacuées, n’étaient pas forcément un terrain de recherche pour eux, et bizarrement ça l’est devenu pour moi. Je crois que c’est un cas de figure fréquent, je pense à mes amis de chez Tristram, Anarchasis, L’Arbre vengeur ou Attila, avec qui j’ai beaucoup d’échanges. Ils se sont certainement posés à un moment les mêmes questions : pourquoi ne trouve-t-on pas ce titre ? Pourquoi ne connaît-on de tel auteur, par ailleurs très bien publié, que certains textes alors que d’autres restent non-traduits ? Ou seulement les romans, alors qu’il a écrit de la poésie ?
Je perçois aujourd’hui cette période comme un temps de veille. Et puis, concrètement mon intérêt s’est, à quelques jours d’intervalle, porté sur deux textes. L’un a été édité, il s’agit du livre Roger Nimier, le grand d’Espagne de Pol Vandromme, l’autre pas (encore), un livre d’un de mes voisins, Jean-Paul Kauffmann, écrit quand il venait de sortir des geôles du Liban, intitulé Bordeaux retrouvé et publié à compte d’auteur, un texte que je trouvais magnifique. Je ne sais pas ce qui s’est passé dans mon esprit, mais j’ai envoyé un courrier à chacun d’eux pour leur dire que j’aimerais éditer ces textes… et c’est parti. À ce jour, je n’ai pas trouvé d’explication à mon geste.
Il n’y avait donc pas de projet éditorial préalable ?
Non, ni éditorial, ni politique ni même de construction financière ! Et ceci d’autant moins que, quelque temps après, mon frère, qui travaillait avec le metteur en scène Claude Régy, a eu entre les...
Éditeur Pollen au vent
Les couvertures en à-plat de couleur de Vagabonde, dix titres en tout depuis 2004, sont rehaussées d’un dessin au trait. Un aspect classique, où se révèle cependant un tremblement qui évoque la résonance des textes publiés.