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Domaine français Impossible étoile

juin 2010 | Le Matricule des Anges n°114 | par Virginie Mailles Viard

Dans une langue brillante, l’écrivain bosniaque Velibor Colic revient sur son enfance. Il nous transporte jusqu’au point de rupture du rêve de réunion des peuples slaves de l’ex-Yougoslavie.

Jésus et Tito

Velibor Colic aime arpenter les trouées de l’Histoire, se glisser entre les interstices des données factuelles. Il dit que c’est là que se niche l’écriture, dans les creux ignorés des biographes. « Une seule évidence : la mémoire est aussi Histoire, sauf qu’on ne la vérifie pas. » Lui qui, dans Perdido, a su réinventer la vie du jazzman Ben Webster, et celle de Modigliani dans La Vie fantasmagoriquement brève d’Amedeo Modigliani, a décidé de remonter le cours de sa propre existence. Après Les Bosniaques, récit autobiographique écrit dans le vif des tranchées de la guerre de Yougoslavie, il déplie ses souvenirs d’enfance comme d’autres la carte du Tendre. Et se penche sur les plis, où repose son village natal, la mémoire du maréchal Tito, l’étoile rouge, et les images de l’enfant Jésus que vénérait sa mère. Là encore, l’écrivain dépeint les hommes, et laisse aux historiens les contours. Slovènes, Croates, Serbes, Musulmans bosniaques, Macédoniens et Monténégrins, la Yougoslavie est tendue vers l’idéal de l’unification des pays slaves du Sud. Mais le monde de l’enfant Velibor qui s’ouvre sur un fatras identitaire - « Ma Mère dit que nous sommes Croates, mon Père que nous sommes Yougoslaves. Moi je n’en sais rien. » - tourne autour de son terrain de foot, des tartines de confiture maternelle, de l’omniprésence invisible et victorieuse du maréchal, et de ses compagnons de route. « Moi, par exemple, j’écris des poèmes, Pips tue les guêpes et notre pote Fido le con fait des bêtises. On n’est pas tout à fait des hommes, mais on a déjà notre petit caractère. »
Construit sur de multiples portraits, de courtes séquences poétiques, Jésus et Tito est une œuvre éclatée, dont le seul gage de linéarité demeure dans cet enfant qui grandit. Dans l’enfance de Velibor Colic, il y a Vlado le Sauvage, personnage crépusculaire, qui porte déjà les stigmates du monde des adultes. « Comme moi, Vlado le Sauvage rêve les yeux grands ouverts. Sauf que ses rêves sont peuplés de grosses femmes, de flingues et de villes étrangères. Sans qu’il le sache, ses rêves sont américains. Les miens non. Enfin, pas encore. » Il y a Oskar, dont la blancheur, la fragilité maladive et les origines juives sonnent comme un rappel à la sauvagerie, « à cause de ce petit con et de ses yeux si noirs et si tristes, à cause de sa chute, la magie n’opère plus ».
Il y a dans la langue de l’écrivain, une précision dans le verbe, une aptitude à saisir le mouvement des êtres, à les dessiner dans l’espace. Il fait de la page une toile en mouvement et de ses personnages des êtres de chair et de sang. Un réalisme magnifié, transcendé par une écriture poétique très simple, où l’humour affleure sans cesse. Et restent dans la rétine, les images d’enfants nus et bronzés s’ébattant dans l’eau, et le cimetière d’escargots déglingués à coups de fusil à pompe. Et Pips, « tout noir, comme le fond d’une vieille casserole ». Et Oskar, tombant sans rien dire sous les coups de Vlado le Sauvage.
Ce texte fragmenté est un roman initiatique, et derrière chaque portrait, un passé transpire, celui pesant de la Seconde Guerre, et du nazisme qui colle à la peau des Croates. Un passé qu’il place dans les corps, dans de fines cicatrices blanches sur les peaux, dans les balles qu’Hassan le Flic tire, ivre, sur les étoiles. « Toute ma vie d’avant appartenait au Jurassic Park communiste, disparu et enterré en même temps que l’idée de la Yougoslavie, pays des Slaves du Sud. On a échangé la fin du communisme pour le crépuscule du capitalisme. »

Jésus et Tito de Velibor Colic
Gaïa, 190 pages, 17

Impossible étoile Par Virginie Mailles Viard
Le Matricule des Anges n°114 , juin 2010.
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