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Théâtre Théatre de verdure

juillet 2010 | Le Matricule des Anges n°115 | par Etienne Leterrier-Grimal

Pauvre maison de nos rêves suivi de L’Herbe tendre

Le romancier Jean-Yves Cendrey signe une pièce agreste à la langue ciselée,
où le théâtre se rêve enfin buissonnier.
Serait-ce l’ouvrage d’Olivier de Serres publié en 1600, Le Théâtre d’agriculture et mesnage des champs, qui a donné à Jean-Yves Cendrey l’idée d’écrire une pièce intitulée L’Herbe tendre ? A l’âge classique, jardins et jets d’eau avaient qualité de spectacles et comptaient donc le jardinier comme une variété un peu rustique du scénographe. Pour le théâtre, voici l’histoire d’un écrivain citadin (« Moi-même ») qu’« un notaire vient de faire propriétaire d’un peu de terre » et qui s’empresse d’aller y concrétiser ses rêves d’autarcie et de culture bio. Même si le potager en puissance n’est qu’« un bout de terrain », « un jardin en démence », c’est bien suffisant pour en faire son territoire.
L’herbe et le légume ne se gagnent qu’au terme d’un long combat contre la ronce. Jean-Yves Cendrey fait de son personnage le héros d’une épopée agricole, un Achille de bocage aux prises avec la cohorte des broussailles, dans un champ (de bataille) devenu théâtre (d’opérations) : « Il y a le chardon conquérant, la doche couleur de mitraille, le régiment des orties qui rampent sur leurs doigts jaunes et soudain montent en graine, la renouée baroudeuse, le bouton-d’or inexpugnable, la vesce envahissante, les bataillons parachutistes des pissenlits en fleur, l’armée immense des graminées. Le vent et les oiseaux sont leurs alliés et quand tu les combats, la sueur au front et le sarcloir à la main, ton pantalon te trahit, qui cache dans ses plis des centaines de graines et les sème dans ton dos ».
Pseudo-monologue entre « Moi-même » et « Ma pomme », L’Herbe tendre fait dialoguer le jardinier avec lui-même, sa parole intime dessinant en écho le réel et ses autochtones. à côté des commentaires irrévérencieux d’un lapin et d’un chevreuil, hilares spectateurs des efforts du jardinier en herbe, on trouve la philosophie impertinente d’un épouvantail, tour à tour servile ou anarchiste. Puis, lorsque la pioche du jardinier bute sur un crâne enseveli, ce sont les mânes du pauvre Yorick qui semblent prendre la parole, juste avant qu’entrent en scène Serge et Albine, le couple bucolique de La Faute de l’Abbé Mouret. Travailler la terre fait entrer le personnage de Jean-Yves Cendrey dans l’épaisseur de la littérature et du temps, le tout avec une joie rare. Après tout, les travaux des champs sont à l’image de ceux de plume, longs, féconds et minutieux : Du Bellay ne comparait-il pas l’invention poétique à l’art si délicat du greffon ?
Autour de « Moi-même », c’est peu à peu un monde qui s’organise et se plie à la loi nouvelle : le potager prend forme. Serait-ce désormais « le plus petit Etat libre de la planète », voire « un jeune univers » ? Retourner, fouir, labourer la terre, bêcher la glaise, racler la glèbe permet d’accéder à bien mieux. Là où le personnage de Pierre Senges (dans Ruines-de-Rome) subvertissait le monde en y semant des graminées, celui de Jean-Yves Cendrey se veut utopiste. Au départ « Parisien de souche répondant à l’appel de la forêt », il devient peu à peu grand artisan d’un Paradis perdu, dieu hédoniste et barbare d’un royaume où il habite désormais en réalisant ses fantasmes : « J’accouche de monstres joyeux en accouplant des ferrailles avec les arbres morts. Je découpe dans la tôle ondulée des femmes peintes à même la rouille. Je leur ai fait le sexe jaune et la peau rouge qu’on leur voit par ici. (…) Je suis assis sous les pommiers, la peau noire et le sexe bleu, entre les femmes normandes ».
Après la possession et le régal viendra pour « Moi-même » le temps de l’abandon et l’heure de quitter le jardin. Alors, les travaux des jours anéantiront lentement ceux des hommes. Là où existaient les cultures, l’inculte finira par triompher… si ce n’est la littérature, dont Jean-Yves Cendrey offre ici une démonstration des plus vivifiantes.

Pauvre maison de nos rêves (suivi de) L’Herbe tendre de Jean-Yves Cendrey
Actes Sud Papiers, 72 pages, 12,50

Théatre de verdure Par Etienne Leterrier-Grimal
Le Matricule des Anges n°115 , juillet 2010.
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