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Domaine étranger La fabrique du roman

juin 2011 | Le Matricule des Anges n°124 | par Valérie Nigdélian

Enfant chérie des lettres new-yorkaises, Nicole Krauss plonge laborieusement dans l’espace infini de la mémoire et du livre.

La Grande Maison

On la dit surdouée : à 37 ans, la voilà même adoubée par The New Yorker parmi les vingt jeunes auteurs qui « comptent, ou compteront pour leur génération », aux côtés de Jonathan Safran Foer dont elle est la compagne. Le succès international de son deuxième roman a suffi pour l’imposer : L’Histoire de l’amour, traduit en vingt langues, salué par une critique dithyrambique et des jurés enthousiastes (lui décernant le Médicis étranger 2006) devrait être adapté au cinéma par Alfonso Cuarón, réalisateur de Harry Potter et le prisonnier d’Azkaban.
Son nouvel opus, La Grande Maison, reprend la thématique de la mémoire qui est au centre de son travail depuis son premier roman, non encore traduit, A Man Walks into a Room (2002). Hantée par l’idée de la disparition, la Maison résonne de l’écho douloureux des heures les plus sombres de l’histoire que deux photographies, crûment apposées et minutieusement décrites, résument : celle de corps entassés dans l’attente, bientôt effacés par la machine génocidaire nazie, et celle, tout simplement terrible, des capharnaüms d’objets générés par la confiscation des biens juifs. De cette idée de permanence et de perte, de cette ellipse tragique et violemment mélancolique, Krauss tire le personnage principal du roman : un bureau, qui n’est rien moins qu’un tombeau – monument dédié à la mémoire, vestige dérisoire de la Shoah car « à la différence des gens, l’inanimé ne disparaît jamais ». Constitué en fil rouge d’un récit où s’entrecroisent quatre monologues, ce meuble improbable dont on chuchote qu’il aurait appartenu à Federico Garcia Lorca, « une chose énorme, menaçante, qui écrasait les occupants de la pièce qu’il habitait, feignant d’être inanimé mais qui, telle une dionée, était prêt à bondir sur eux et à les digérer à l’aide de l’un de ses nombreux et terribles petits tiroirs », fait basculer par deux fois la vie de Nadia, poète et romancière new-yorkaise (!) : la première lorsqu’il entre dans sa vie et son appartement, adoubant son destin d’écrivain quand un poète chilien le lui confie avant de disparaître sous la dictature de Pinochet, la seconde lorsque la fille supposée du poète vient le lui réclamer vingt-cinq plus tard, révélant la fragilité de sa vocation et la plongeant dans les affres insondables du doute. Au lecteur de suivre ensuite la piste du bureau aux multiples tiroirs, métaphore ambitieuse du roman certes, mais les tiroirs sont vides !, et ainsi zigzaguer à l’intérieur du dispositif composé par Krauss – dispositif dont on grattera sans peine le vernis apparent de complexité. De New York à Jérusalem, de Jérusalem à Londres, les confessions logorrhéiques et les intuitions « fulgurantes » de Nadia, Aaron ou Isabel s’enchaînent (« j’ignore comment je le savais, mais je le savais »), mêlant hypertrophie du je et incroyable complaisance au déballage. On s’étonnera de l’uniformité du ton malgré la diversité des personnages, de la pauvreté d’une langue dont Krauss avoue par ailleurs peu se soucier (« un sanglot me monta à la gorge, tel une énorme vague ») et de la prétention narcissique à dévoiler « la profondeur cachée des choses ».
On s’agacera surtout d’une propension au didactisme qui ôte par sa pesanteur tout réel pouvoir de suggestion à la moindre métaphore, qu’elle prête à rire comme celle du ficus jusque-là florissant « tomba(nt) brusquement malade et (…) perd(ant) ses feuilles » alors que Nadia s’effondre, ou qu’elle possède la poésie de cette plongée, souffle coupé, dans l’eau noire d’un « trou de glace », façon de dire autrement l’irrémédiable enlisement dans la maladie d’Alzheimer. Bien décidée à créer « des échos souterrains entre les histoires » pour en faire palpiter un cœur inexistant, Krauss accumule les trucs et accessoires mais sa Grande maison reste désespérément vide : on en est conduit à éprouver, dernières lignes avalées, « le soulagement de quelque chose qui disparaissait enfin ».

Valérie Nigdélian-Fabre

La Grande Maison
Nicole Krauss
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Paule Guivarch
Éditions de l’Olivier, 336 pages, 22

La fabrique du roman Par Valérie Nigdélian
Le Matricule des Anges n°124 , juin 2011.
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