L’incipit de ce roman, phase d’exposition des protagonistes et des lieux, peut sembler un peu poussif si l’on s’attend à trouver un western noir et rythmé à la Elmore Leonard. C’est que Trevanian situe clairement son récit dans une orientation plus proche du roman historique, mais sans succomber aux grandes épopées de l’Ouest américain. Au contraire, on se retrouve dans une sorte de huis clos, parfois drôle, souvent étouffant, entre les baraques délabrées de Twenty-Mile. Cette petite cité de bois au cœur des montagnes du Wyoming, érigée à la va-vite sur la voie ferrée menant à une mine d’argent, n’est pas loin d’être une ville fantôme. En 1898, elle ne compte plus qu’une quinzaine d’habitants et ne survit que grâce au passage des mineurs chaque samedi. Plusieurs événements vont venir troubler sa routine. D’une part, l’arrivée de Matthew Dubcheck, jeune homme dont on ne sait trop pourquoi il débarque ici, n’étant pas prospecteur, ni quel secret il trimballe avec lui et qui semble aussi lourd que son vieux fusil hérité de son fermier de père. D’autre part, Hamilton Lieder, condamné à la réclusion à perpétuité, échappé avec deux autres détenus psychopathes d’une prison de Laramie et qui, après avoir semé la destruction un peu partout, a jeté son dévolu sur Twenty-Mile afin d’attendre le prochain convoi de la mine. Enfin, le déclenchement d’une tempête effroyable qui va secouer les fondations branlantes de la ville.
Si Trevanian laisse planer le doute sur la nature du roman (reconstitution à partir d’une vérité historique ou pure fiction ?), il réunit en un même lieu des personnages typiques : le prédicateur hargneux, la jeune fille en fleurs, les prostituées de saloon, la commerçante arriviste, l’outlaw, le justicier, etc., et les longs dialogues qui s’en suivent sonnent juste. Dans le même temps, allusions au ridicule de la mythologie du Far West et mises en situation d’un réalisme cru et souvent violent viennent battre en brèche la vision idéalisée du western pour livrer un roman âpre et sec, modèle du genre.
Lionel Destremau
Incident à Twenty-Mile
de Trevanian
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Jacques Mailhos
Gallmeister, « Noire », 356 pages, 23,90 €
Domaine étranger Incident à twenty-mile
octobre 2011 | Le Matricule des Anges n°127
| par
Lionel Destremau
Un livre
Par
Lionel Destremau
Le Matricule des Anges n°127
, octobre 2011.