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Domaine étranger Mise au vert

octobre 2011 | Le Matricule des Anges n°127 | par Etienne Leterrier-Grimal

Dans Le Jardin perdu, Marco Martella redécouvre l’œuvre oubliée d’un auteur victorien qui ne l’est pas moins. Renaissance d’un traité des jardins à la troublante modernité.

L’unique ouvrage du mystérieux Jorn de Précy, Le Jardin perdu, parut en 1912 et ne fit aucun bruit à sa sortie. Il se raconte que son auteur, un Islandais né en 1837, aurait émigré très jeune de sa terre natale pour rejoindre Londres. Là, il aurait fréquenté les milieux radicaux et socialistes de l’Angleterre victorienne, avant de créer près d’Oxford son rêve : Greystone, la perfection faite jardin, suffisamment célèbre pour qu’Hermann Hesse prenne le temps de lui rendre visite et dans lequel l’auteur de Siddhartha se serait alors écrié, émerveillé : « Ici on voit que le monde est en train de dormir. Et ce jardin en est peut-être le rêve. » De Greystone, aujourd’hui, comme de son auteur, il ne reste plus rien. Rien sauf ce livre. Et comme ces parterres où croissent les herbes folles et les fleurs sauvages, Le Jardin perdu est un livre composite, qui change d’aspect selon le mouvement des pages.
On y trouve d’abord un traité touristique des jardins de l’Europe, que leur auteur visita au début du siècle. La plupart, aujourd’hui, ont été transformés en jardins publics, à l’intar du parc de Sceaux, dont l’auteur livre une description éblouie, en livrant ce qui est peut-être la substance de sa pensée : l’idéal, dans le jardin, est atteint lorsque la volonté planificatrice de l’homme laisse à l’improvisation de la nature le soin de parachever l’œuvre.
À côté de Bomarzo ou de Munstead Wood, de ces jardins anglais, français ou italiens dont on découvre avec De Précy le nom en même temps que la beauté, c’est également la biographie pointilliste d’un amoureux du jardinage qui apparaît. Jorn de Précy se peint en pierres vives, se revendique « jardinier-poète », et son humble labeur interroge le monde. Pèlerin de la beauté, le jardinier est celui dont le travail est « minutieux, patient, amoureux, à accomplir à l’écart du monde, à la lumière d’une foi profonde et doucement aveugle ». De la littérature, en somme.
Le Jardin perdu est enfin un essai de philosophie champêtre, où Thoreau et Candide se promènent en liberté avec Epicure, J-M Barrie, ou peut-être même le Pierre Senges des Ruines-de-Rome. Dans cet espace privilégié du monde, le privé devient universel, les animismes se réveillent, la nature se fait refuge des petits dieux d’antan. Le jardin, lieu de haute spiritualité devient refuge contre le monde ambiant, un lieu où se trament les révolutions à venir : « C’est là la terre d’exil des nymphes et des satyres grecs, des fées et des elfes nordiques. Voici le dernier repaire qui s’offre aussi là à l’homme qui rêve d’échapper au cauchemar de l’histoire ».
Or, dès 1912, ce « cauchemar de l’histoire » avait tout pour nous sembler familier. Industrialisation, technique, solitude collective, dénaturation, nomadisme compulsif… On en vient même à penser que Jorn de Précy aurait très bien pu écrire au vingt et unième siècle tant son épicurisme sonne juste à nos oreilles contemporaines. Tant son amour des jardins paraît compatible avec nos nostalgies actuelles. En fait, Marco Martella rappelle un peu le Pierre Ménard inventé par Borgès, ce concepteur d’un projet inédit : réécrire fidèlement, dans l’espagnol des années 1600, le Don Quichotte de Cervantès, une entreprise d’autant plus intéressante qu’elle suppose une totale reconstitution, un summum d’artifice. Peut-être n’est-il pas anodin que Marco Marcella soit, en plus d’être traducteur, un historien des jardins et donc familiers des lieux ? N’allons pas plus loin : gâteau sucré, le pastiche se déguste, sans besoin de savoir qui est le pâtissier.

Etienne Leterrier

Le Jardin perdu
de Jorn de Précy
Traduit de l’anglais par Marco Martella
Actes Sud, 144 pages, 15

Mise au vert Par Etienne Leterrier-Grimal
Le Matricule des Anges n°127 , octobre 2011.
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