Valérie Rouzeau, lady poèmes
Les livres de poésie qui ont marqué l’édition de ces quinze dernières années ne sont pas nombreux. Pas revoir, le livre du deuil, y figure assurément qui fit découvrir à plus d’un cette voix étonnante, emplie d’émotion et de fraîcheur, inventive en diable et toujours juste. La voix poétique de Valérie Rouzeau. Un peu plus de douze ans et quelques livres plus tard, Vrouz qui paraît ce mois-ci pourrait rejoindre les incontournables de la poésie française tant ce livre, à nouveau, produit à la lecture des sensations aux ramifications infinies. Prenant à toutes les écoles poétiques les outils propres à faire advenir une œuvre singulière, la lectrice Rouzeau abolit l’hermétisme des frontières qui conduisent beaucoup de lecteurs à ne pas pénétrer en territoire du vers et du chant et offre à Valérie une palette vaste et colorée pour que la langue y accueille des trouvailles et une puissance rarement égalée.
On l’a rencontrée de multiples fois, dans des festivals chaleureux ou improbables, des gares SNCF ou des halls d’aéroport, toujours un livre à la main et une bibliothèque portative à l’épaule, partant ici animer un atelier d’écriture, retrouvant là un comédien ou un poète pour une lecture à deux. Fatiguée parfois de tant donner à une machine éducative incapable d’entendre le bien que ça peut faire, parfois, la poésie. On ne l’y reprendra plus, promet-elle, du moins pendant un moment : le CNL s’est montré assez généreux pour qu’elle envoie bouler le travail à la chaîne des poètes corvéables à merci. Mais aussitôt, s’excusant comme elle le fera un millier de fois, elle précise que beaucoup de ces rendez-vous avec des élèves, des enseignants, des lecteurs, des non-lecteurs étaient quand même formidables. Elle ne veut décevoir personne. Elle se lève et en hommage à des amis mexicains, elle va chercher, dans le frigo, deux Corona ; « le vin, j’évite en ce moment ». Nous sommes à Saint-Ouen, cité chère à Franck Venaille. Nous sommes chez elle, c’est-à-dire, entre quatre murs étroits où se tiennent lit, table, ordinateur, bibliothèques de livres dont les Christian Gailly que l’aide du CNL lui permet d’acheter l’un après l’autre, « J’ai découvert ses romans et je veux tous les lire. »
La vague de froid qui s’est abattue en ce début de février sur la France et sur Paris contraint Valérie Rouzeau à ajouter une ligne supplémentaire à son agenda : le rendez-vous chaque soir chez un ami pour y prendre une douche. La canalisation chez elle, pour le moins bricolée, n’a en effet pas tenu le choc. Les marchands de sommeil n’ont à Saint-Ouen pas plus de scrupules qu’ailleurs. Le studio, exigu où vit la poète, est certes habitable, mais son jumeau mitoyen et qu’un mur en papier à cigarette sépare, l’était un peu moins quand y vivaient sept étrangers sans papiers : « parfois je les invitais à venir manger une soupe chez moi ». Ce n’est pour autant pas cela qu’elle fuira, à l’été naissant, pour retourner vivre où elle fit quelques rencontres...