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Poésie Nouvelle lyrique now

mai 2012 | Le Matricule des Anges n°133 | par Emmanuel Laugier

La voix si singulière de Cécile Mainardi donne à lire des phrases toutes tendues de sensualités, de vitesses, physiques autant que grammaticales, et formidablement neuves.

Rose activité mortelle

Cécile Mainardi est ultra-contemporaine, elle s’avance devant la scène de l’écriture comme devant une vague peu prévisible lorsque le vent souffle à plus de cent km/h sur la Promenade des Anglais, et qu’elle saccage les vitrines avoisinantes : son phrasé intègre ce risque sur le temps, comme dans le formidable Rose activité mortelle, son nouvel opus, dont le titre signe si bien son engagement, lyrique, racinien, radioactif, dans le présent. Cécile Mainardi vient ainsi dans son poème, qu’il soit rectangles de proses ou vers rapide, fusées. Son exigence rythmique (impressionnante), ses inflexions de voix, sidèrent, parce que leur douceur croise une nonchalance rieuse, fantasque, décalant sans cesse les perceptions de leur cause pour en montrer les effets de surfaces, les débandades, les branchements de vérités et ce, d’expériences à expérimentales approches de langages.
Mais ce n’est pas en cherchant à la marteler de procédés avant-gardistes qu’elle y parvient, car ce n’est là ni sa voie, ni sa logique. C’est au contraire le mouvement naturel d’une exposition à ce qui vient, et ne cesse de venir vers nous pour la première fois, à quoi son écriture répond. Grièvement, déjà, il y a plus de vingt ans, le disait : « Le poème m’attend pour que l’on jouisse au même moment sa fine enveloppe de sueur me recouvre mais je ne connais pas son visage le voir m’en arracherait définitivement ». C’est ce que Stéphane Bouquet écrivait aussi dans sa postface à La Blondeur (Les Petits matins, 2006), lorsque, suivant la poétique qu’elle (la blondeur) put ouvrir infiniment, il notait sa relation avec le temps, conçu autant comme une micro-particule unique de rencontre (tel blond cendré, vénitien…), que comme cette unique fois immortelle du jouir où il se donne et se retire définitivement : « Et que blond, selon elle, veut dire quelque chose que dit Rilke dans sa neuvième élégie : “Une fois/ chaque chose, une fois seulement, une fois. Une fois et pas plus. Et nous aussi,/ une fois. Jamais plus. Mais d’avoir été/ une fois cela, ne fût-ce qu’une fois :/ d’avoir été terrestre ne semble pas révocable” ».
Toutes les fois de Cécile Mainardi sont d’irrémédiables moments de saisie, ils étoilent l’existence en libérant « une chose, une masse, par série de fixations, je déleste l’ensemble qui n’apparaît ensemble que par délestage (…). Je m’étonne la première fois que ce soit avec des mots  ». Et nous nous étonnerons nous-mêmes que cela soit ainsi dit et nommé, réfléchi anti-conceptuellement en une logique sérielle où se donne « l’ensemble des textes-faits-pour-n’être-lus-qu-une-seule-fois » (La Forêt de Porphyre, Virgile, 1999). Ou bien que ces événements de rencontre, toujours immanents, se vérifient par la tension et l’extra-dilution de « L’eau superliquide », qui amorce Rose activité mortelle. Cette eau, magique, égyptienne peut-être, déconcertante pour le moins, prend sur plus d’un tiers du livre la forme imaginable des amours, d’un mouvement, d’un corps, d’une danse, d’une nage, en indienne ou en brasse coulée. Chacune de ses proses écarte sa première lettre, (parfois deux) au fer à gauche de la page, si bien que l’on se demande si ce n’est pas là faire entendre de l’eau superliquide ses éventuels « e muets », voire l’espace enclencheur qui la conduit dans ses tuyaux les plus divers : «  j e me baigne dans le bain de l’extrême possible, en entrant phrase par phrase dans l’eau superliquide. Y descends avec un rythme cardiaque plus lent que la normale, une démarche cent fois plus liée, et une grâce pondérale que très franchement je ne me savais pas avoir. J’y descends à la vitesse de pose d’une photo qui permet de la montrer la plus accueillante possible (…) Et bientôt on ne nous distingue plus sur la photo que nous formons, moi/ mon mouvement et elle  ».
L’eau superliquide accompagne comme un rêve ses sujets : « on se rappelle tout ce qu’on a voulu écrire à son contact sans le faire  ». Remonter d’une apnée vers les bulles de l’écriture, sortir du bac d’eau oublieuse, est ainsi la tâche de Cécile Mainardi, ce que les parties suivantes de son livre (de « Je suis une grande actriste » à « Rose activité mortelle » en passant par les nouveaux petits poèmes en prose de « Promenade aux phrases ») entreprennent bien de gagner, sous forme de questions, de micro-récits, de divagations inconcevables, d’affirmations en forme d’anneau de Möbius : «  un bandeau de mémoire pure/ et argentique/ parcourt tout ce que vous entendez de/ moi/ et le recouvre progressivement d’amnésie ». Alors il faut refaire la photographie, la plonger dans un autre bain, être dans la science de l’éclair, et refaire son trajet perpétuellement comme toute première fois l’exige, ne séparant pas son bonheur express de sa mélancolie lointaine.


Emmanuel Laugier

Rose activité mortelle
Cécile Mainardi
Flammarion, 216 pages, 17

Nouvelle lyrique now Par Emmanuel Laugier
Le Matricule des Anges n°133 , mai 2012.
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