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Domaine français Écrire ne sait pas lire

janvier 2013 | Le Matricule des Anges n°139 | par Richard Blin

Est-ce parce que c’est perdue qu’elle écrit, que la poésie de Caroline Sagot Duvauroux offre à la bouche le souffle du nouveau ?

Le dernier livre de Caroline Sagot Duvauroux commence par une fin, celle de l’homme qui incarna pour elle « la force et la faiblesse d’amour ». Autour de la finale de son prénom – (Mich)EL – vont cristalliser des gestes, des souvenirs, des élans, des images, des échos de conversation. « Il dit entre nous rien ne sera plus nommé. elle dit ce que je ne comprends pas m’émerveille. (…) elle dit je t’aime où je ne comprends pas. il dit aime-moi où je ne mérite pas. puis ça donne : tu es loin / je suis là / viens / ne me brise pas / tu es la vie en moi / ne la brise pas / les oiseaux sont partout ans le feuillage / ne le coupe pas. il dit pendant ce temps je me repeuple de ce qui ne pourra jamais être le tout. » Début d’une longue dérive vers ce pays d’où dont il portait le signe tatoué sur l’avant-bras gauche. « C’est de main gauche que nous caressons nos premiers amours, dans l’unité tremblée du cœur et du sexe. »
Avec la désorientation comme sésame, et le ferme désir aussi de redonner géographie à des voix chères, Caroline Sagot Duvauroux va s’enfoncer dans la mémoire qui garde comme dans celle qui porte au-delà, qui ouvre passage, qui met en chemin, délivre des rythmes, conduit au plus près de ces points où présent, passé et futur fusionnent, où toutes nos vieilles évidences s’inversent. « Tant de routes jusqu’aux baies du monde. Les quelques-unes d’où nous avons considéré l’afflux. Celle d’où je contemple la distance se peupler de la vie tout entière dans un adieu. Une langue en quelque sorte. »
Le Livre d’El dit la quête de cette langue, les tentatives faites pour la mettre en œuvre, sachant que la douleur n’a pas de langue – « Pourquoi volerait-elle une langue ? » – et qu’il s’agit donc d’emprunter, d’inventer des voies encore impratiquées, sans « assombrir le mystère d’être avec ce qu’on est ». Et Caroline Sagot Duvauroux de partir à l’aventure, avec El, « ce lui, pour copain d’enjambée. // cet il // Ai-je moins invoqué la mer ou le ciel si je dis à, jusqu’où, puis d’où. Roucoule ma gorge et brise la querelle et l’outrecuidance aussi bien si je dis // jusqu’à n’importe où. » Si l’organisation des mots sur la page traduit la coupure, la dépossession, elle souligne aussi tout ce qui échappe d’abord au langage avant, peut-être, de se manifester plus loin sous forme de résurgences. D’où ce dédale somptueux qu’est ce livre où l’instinct le dispute à l’instant, où se croisent primitivité et intemporalité, taureau et torero, tennisman et prince indien, pirate et « perdu d’homme où se fomente le chant ». Où nous nous retrouvons à Naples, à Tanger, à Bombay, à Jaipur, où chaque phrase « invite à danser sa propre fin ». Une écriture qui vibre d’insécurité, d’audace, de vertige, vit d’une forme de phrase toujours « prête à se perdre pour gagner le visible où le monde se cache ». Mais une écriture qui toujours aussi s’adresse « et c’est à. À, c’est El, mort parmi tous les morts. » Phraser cela, ce désir : « C’est la préposition qui fait la phrase, c’est à. Et le vent. Dans la folie prédatrice de rejoindre. Dans la folie amoureuse d’être rejointe aux vousseaux dans l’accouplement de l’augure et de la suite. Au gré du conflit. »
De la même façon que la joie amoureuse implique le jeu périlleux, l’écriture de Caroline Sagot Duvauroux implique l’ouverture à l’altérité, à l’inconnu, à tout ce qu’on ignore. « Nous ne sommes si totalement ignorants qu’en écrivant. C’est pour ça qu’il nous faut penser ardemment et cette ardeur écrit. La stupeur suit. C’est la phrase sidérée sur la page. Noyée, immobile, ferme. Patiente. » C’est cette façon d’enfiévrer la langue, d’énerver ses points radiants, d’élever chaque élément du réel à sa puissance d’amour, qui fait la beauté singulière de ce Livre d’El, tout en don, ivresse amoureuse et giclées jouissantes.

Richard Blin

Le Livre d’El – d’où
Caroline Sagot Duvauroux
José Corti, 162 pages, 18

Écrire ne sait pas lire Par Richard Blin
Le Matricule des Anges n°139 , janvier 2013.
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