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Dossier Christine Montalbetti
L’amour en maison close

avril 2013 | Le Matricule des Anges n°142 | par Thierry Guichard

Dans un hôtel fermé comme un bunker, un romancier français et une femme japonaise font l’amour, prennent un bain, boivent du thé. Et constituent ainsi une humanité entourée de spectres et menacée d’irradiations.

Dans Western, Christine Montalbetti nous faisait entrer à la suite du héros à l’intérieur d’un magasin où, tandis que son cow-boy marchandait l’achat d’un ceinturon neuf, elle nous désignait différents objets mis en vente là. Elle nous proposait même d’en acheter un afin qu’on en dispose chez soi, sur la cheminée comme bibelot, au mur si c’est un tableau qu’on choisissait. Ainsi, écrivait-elle, il se trouvera bien des amis de passage chez vous qui trouveront intéressant l’objet et feront mine, par politesse, de vouloir savoir où vous l’avez eu. Vous répondrez alors « dans Western ». On ne retrouve pas dans Love Hotel ce genre de vertige virtuose à quoi l’auteur de L’Évaporation de l’oncle nous a habitués. Tout de même, le narrateur du livre, romancier français, se promène le long de la rivière Kamogawa en imaginant que dans le livre qu’il écrira il mettra une scène où un personnage se promène sur les rives de la Kamogawa…

Aux côtés des défunts
Pour l’heure, notre homme se rend au Love Hotel ou l’attend sa maîtresse, une Japonaise mariée au nom évocateur de catastrophe : Natsumi. Ensemble, ils choisissent la chambre de leurs ébats, parmi un choix assez varié d’ambiance (décor planétarium, thématique Hello Kitty ou cabinet gynécologique : le love hotel peut répondre à des attentes assez fantasques). Nos amants préfèrent quelque chose de plus classique, si l’on considère que l’abri anti-atomique est classique : les chambres n’ont pas de fenêtres et « contraignent de s’étreindre dans une surdité entière au monde extérieur. » Rien donc, des soubresauts de la rue, ne viendra compromettre l’intimité des amants. Encore, peut-être, le monde est apte à lancer des signaux. Ainsi quand Natsumi se sert une boisson dans le frigo de la chambre, elle déclenche la lumière du mini-bar dans laquelle « elle se dessine à contre-jour. L’effet en est presque surnaturel. On dirait je ne sais quelle source mystérieuse qui irradie dans la pénombre de la pièce, une présence magique, phosphorescente, vers laquelle Natsumi est tournée comme pour s’efforcer d’en comprendre l’énigme ». Une présence lumineuse à laquelle répondent, dans le texte, les présences plus sombres des esprits et des défunts. Les esprits sont ceux que notre homme convoque dans ses pensées : esprits japonais qui hantent les contes et le texte, comme celui qui dormant à quelques kilomètres sous la couche terrestre est capable dans sa colère de provoquer un séisme. Quand les amants ne font pas l’amour divinement bien (il faut dire que le sexe de Natsumi a, au nez, les qualités d’un bourgogne, l’élégance d’un cabernet franc et les arômes d’un vin exotique), notre romancier se laisse traverser par les rêveries, les récits de vacances de Natsumi et surtout par la présence d’ancêtres qu’il porte avec lui. Puisque : « Nous sommes, de nos ancêtres, les fantômes de chair. Ils se servent de nos corps vivants pour hanter ce monde. Et nous voici, éperdus de tous ces morceaux dont nous sommes...

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